Tribune
Le métier de consultant a profondément évolué ces dernières années. D'un rôle de sachant au service des entreprises, il est aujourd'hui devenu un accompagnateur qui doit embarquer les équipes dans les mutations en cours.

On l’entend partout : les cabinets de conseil comme les agences de communication ou de marketing doivent se transformer ou mourir. Les premiers auraient plus d’expertise, de capacité à aborder les sujets data et technologiques, plus de puissance au sein des organisations aussi ; les seconds, davantage de créativité, d’expérience du consommateur et une meilleure connaissance des problématiques de marque. Sans parler des instituts d’études, qui peuvent se prévaloir d’une connaissance actualisée de la société. À coup de fusions ou d’acquisitions de talents, chacun essaie de se rapprocher de l’autre. Mais l’enjeu n'est-il pas ailleurs ?

Le métier de consultant est né avec le XXe siècle, avec l’industrialisation de nos sociétés et l’émergence de la figure du manager. Il est né sous un postulat : dans une économie de marché, l’enjeu premier pour chaque organisation est de produire de manière toujours plus efficace des produits, plus attractifs que ceux de la concurrence, dans un contexte planifiable. Chaque entreprise a ainsi appris à s’optimiser en permanence en s’entourant de « sachants », du consultant au créatif publicitaire.

Priorité à l'innovation

Aujourd'hui, ce modèle n’a plus cours. Face aux Gafam, aux nombreuses start-up devenues des menaces pour certains grands groupes, l’entreprise n’a plus pour priorité de simplement gagner en performance ou de séduire, mais d’innover (et de valoriser). Pour cela, elle n’a plus besoin de sachants (elle l’est devenue elle-même) mais d’initiateurs et de facilitateurs, qui sont en prise constante avec l’entreprise, ses process et ses contraintes, mais aussi avec les mouvements sociétaux et technologiques en cours.

Désormais, nous sommes tous des apprenants et nous ne croyons pas que l’entreprise se transformera du jour au lendemain. Essentiels, les incubateurs, internes ou externes, rencontrent parfois leurs limites : pensez à ces projets à base d’imprimante 3D ou de chatbot, qui après avoir fait le buzz sont restés sur l’étagère faute d’appropriation ou d’adéquation à un besoin consommateur. Le changement radical ne réussit qu’à une poignée de start-up ou d’entreprises suffisamment récentes ou de petite taille.

Face à cela, le consultant du XXIe siècle n'a plus le même profil. Arrêtons de penser Polytechnique ou Centrale versus Sciences Po et Celsa : les meilleurs profils sont ceux qui, toujours curieux, arriveront à faire tomber cette frontière aujourd’hui infructueuse entre process et créativité, technologie et approche empathique du consommateur. C’est aussi une question de posture : le consultant doit être humble, pragmatique et obstiné. L’entreprise est souvent tout aussi intelligente, sinon plus, que ses consultants. Elle nécessite davantage d’interlocuteurs à l’écoute et dans le dialogue, aptes à offrir un autre regard sur les nombreuses mutations en cours et capables de faire bouger les murs de l’organisation progressivement, à son rythme, à partir de projets concrets.

Réunir les noeuds de l'entreprise

Il ne suffit pas de décréter le changement, il faut embarquer les équipes qui en sont l’essence même. Une cliente nous disait récemment : « Nous ne pourrons pas tout changer, cela soulèvera trop de problèmes internes mais commençons par là ; puis nous réunirons progressivement les nœuds de l’entreprise, département par département ». C'est un bon résumé de notre métier aujourd’hui. Le consulting n’est plus simplement affaire de savoir ; la transformation réelle de l’entreprise passe par de nouvelles manières de faire, de penser l’organisation de l’entreprise, de vendre et de communiquer en phase avec les usages et les données de son environnement. Il est temps que le consulting descende de son piédestal car c’est en faisant qu’on devient consultant.

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