Il n’y a pas si longtemps encore, le marketing était presque simple. Les publics étaient classés en catégories bien distinctes et quasi stéréotypées, des boomers aux millennials, en passant par les CSP+, les agences concevaient des campagnes nationales de masse. Aujourd'hui, son sort paraît scellé. Place est faite au marketing du contexte, également appelé marketing du moment. Fascinées par ce nouvel eldorado aux fabuleuses promesses de rentabilité, les marques et leurs conseils ne jurent plus que par la data. Des bataillons de data analysts, de data miners, de data strategists passent l’essentiel de leurs journées à compiler, agréger, scorer des données, élaborer de savants tableaux de bord pour tenter d’y trouver des corrélations, créer des algorithmes de prédictions. Ce sont en quelque sorte les chercheurs d’or de notre temps.
Identifier les bons filons
Pourtant, se pose une question : ces programmes d’analyse surpuissants sont-ils réellement efficaces ? L'élaboration même de ces programmes pose problème, d'autant que le flux de data disponibles est de plus en plus colossal. On injecte aujourd’hui dans les systèmes des centaines et des centaines de variables, dont certaines ne créent à l’évidence aucune incidence et surtout aucune valeur. On surcharge inutilement le système, nuisant à l’analyse. Là est le premier enjeu de la data analyse de demain : savoir identifier les bons filons de recherche, c’est-à-dire les variables ou les corrélations entre des données qui ont un impact réel et démontré sur des masses de données.
Tout aussi nuisible est un certain suivisme ; tous les acteurs du marché finissent par entrer les mêmes variables. Parmi les constantes incontournables, le calendrier, les conditions de circulation, l’implantation des points de vente… Chaque marque définit ses critères de contexte. Pour autant, il n'y a pas besoin de multiplier des centaines de données ; il faut sortir des sentiers battus pour trouver des variables inattendues, inédites ou jamais envisagées. C’est le principe même du chercheur d’or : si tout le monde cherche au même endroit, il y a peu de chances que quelqu’un fasse fortune. Grâce à la singularité de la donnée météo, à l’origine du météo-marketing, San Marina peut prévoir à 90 % le trio de tête de ses ventes à un instant T. On sait ainsi que la pluie influe à hauteur de 30 à 40 % sur les livraisons à domicile.
Fines « truffes »
Reste enfin, et surtout, à savoir tirer profit de ces différentes données. Agréger le tout pour en tirer des algorithmes efficaces est loin d’être le plus simple. Cela demande beaucoup de flair pour identifier les bons filons de recherche data. Il faut aussi beaucoup d’intuition business pour savoir « écouter le commerce ». Je comparerais ce genre de talents aux « nez » dans le monde de la parfumerie : des spécialistes capables de flairer les bons filons, de se souvenir des constantes, de dénicher des variables peu utilisées et créatrices de différences, capables d’établir des corrélations inédites entre ces données. Ces fines « truffes » se doivent d’être en alerte permanente et en perpétuel perfectionnement.
Qu’ils exercent chez l’annonceur ou dans les agences, ces « nez » seront demain le métier le plus valorisé du monde de la data. Ils seront la condition sine qua non de réussite pour une marque. Au royaume du marketing de contexte, où les campagnes de masse nationales auront peut-être disparu, seule l’expertise de ces « nez de la data » pourra permettre de concevoir, non plus une, mais potentiellement des centaines voire des milliers de campagnes ultra-géolocalisées et ultra-contextualisées, réagissant à des critères que l’on aura jugé pertinents. Un même budget pour cent ou mille fois plus d’efficacité ? L’équation de rêve de tout annonceur.