Tribune
La communication d'Emmanuel Macron est le fruit d’un travail de l’ombre collectif et cadré, dans lequel le contrôle et la préparation apparaissent comme des maîtres mots. Le rapport du président à l’image vidéo est en ce sens passionnant.

Bien entouré, bien conseillé, conscient de l’impérieuse nécessité de maîtriser sa parole et son image, notre président l’est assurément. Sa communication souligne la vivacité d’un travail de l’ombre collectif et cadré, dans lequel le contrôle et la préparation apparaissent comme des maîtres mots paradoxalement moins prégnants chez ses prédécesseurs, qui se virent depuis jeter l’opprobre du non-renouvellement.

Des questions sur la stature présidentielle? Rien de plus efficace que de belles images de commémorations, des mots graves sur des sujets qui nous dépassent et nous rassemblent, une solennité mise en scène qui n’en demeure pas moins authentique. Des questions sur la proximité avec les Français? Le président remonte ses manches pour échanger en prise directe avec de jeunes Guyanais, un agriculteur remonté ou un retraité désenchanté. Rien de plus classique me direz-vous? Certes, sur la stratégie. Sur les outils, sur la tactique en revanche, le travail de communication semble fin, réfléchi, travaillé.

Images et paroles authentiques

Nul besoin de rappeler la défiance, parfois légitime, qu’exprime l’opinion publique envers les classes politique et médiatique. Défiance bien sûr mais également compétence et maturité. Compétence de publics, aujourd’hui matures et conscients des stratégies de communication, des publics décrypteurs pour qui le réflexe n’est plus que la suspicion à priori mais le fact-checking, la remise en cause et la vérification.

Comprendre l’opinion publique (vaste quête) est sans doute aujourd’hui comprendre son désir d’images et de paroles qu’elle jugera authentiques. Le rapport du président à l’image vidéo est en ce sens passionnant. Aux images verticales du chef des armées, commémorant l’Histoire, chérissant nos disparus, se superposent les images horizontales de la proximité, du partage et de l’échange. Dans la première situation, la mise en scène n’est pas masquée. Elle est esthétisée. Dans la seconde, la mise en scène de l’authenticité doit disparaître.

Les contenus diffusés par ses équipes sur sa chaîne YouTube sont éclairants. Le président en visite dans la prison de Fresnes, jouant au basket avec des jeunes à Villetaneuse, échangeant sur la CSG avec des retraités… Les vidéos semblent parfois amateurs, sur la prise de vue, sur le son, sur l’image ; l’authenticité, puis la portée, en sont décuplées.

Gérer le rythme et l'intensité

Dernière étape: la gestion du rythme et de l’intensité médiatiques, chères à Jacques Pilhan. Accorder peu d’interviews classiques augmente le désir d’entendre le Président, de le voir: ces vidéos, souvent d’abord diffusées sur le net, passent en boucle sur les chaînes d’information en continu, bêtes infatigables qu’il faut nourrir.

Aujourd’hui plus qu’hier, ces images qui semblent parfois volées, comme le désormais célèbre échange du président en Guyane sur un sujet qu’il connaît manifestement, sont celles qui attirent l’attention de publics par ailleurs saturés. Parfois réellement volés, des enregistrements peuvent, pour le meilleur ou pour le pire, susciter la même attention. C’est avant tout la quête de vrai, la quête d’authentique qui s’exprime.

Aux images léchées des années 2000 se substituent l’illusion de la «non mise en scène» des années 2020. Les marques l’ont bien compris. Les politiques tardent un peu. Certains ont un train d’avance. Tout jugement moral serait sans doute insignifiant. D’un point de vue professionnel, l’esthétique ne peut être que saluée.

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