Digital
Face à l’incertitude déclenchée par les nouvelles technologies, les entreprises peuvent réagir grâce à l’intelligence collective et à l’agilité.

Tout peut arriver. Le digital et, par extension, l’intelligence artificielle continuent de nous réserver des surprises qu’il est difficile d’anticiper avec quelque certitude que ce soit. L’élection du nouveau président des États-Unis en est un exemple. Les inquiétants futurs imaginés par la série TV Black Mirror pourraient réellement arriver. Beaucoup d’autres aussi: ce ne sont pas les visions de l'avenir qui manquent, c’est leur nombre et leur variété qui explosent.

Fini la certitude, le digital nous a fait entrer dans l’ère de l’incertitude, de l'ambiguïté, de l'impossibilité de prévoir. Des situations que les entreprises détestent. Un bon dirigeant, c’est quelqu’un qui prend des bonnes décisions un peu plus souvent que des mauvaises. Il bâtit son leadership sur sa capacité à nourrir ses intuitions en collectant les informations les plus fiables possibles sur son activité, sur l’évolution prévue de son secteur, sur la concurrence ou sur les attentes de ses consommateurs.  

Etat d'esprit et organisation

Si l'on refaisait l’histoire, qu’est-ce qui aurait permis à l’industrie du disque de se remettre du MP3 et d’Itunes, au taxi de contrer Uber plus rapidement ou à Canal+ de résister à Netflix? C’est peut-être la clairvoyance qu’il pouvait leur arriver quelque chose de très désagréable sans avoir aucune idée de quoi. Si les dirigeants de ces entreprises avaient su à temps que les cartes allaient être rebattues et redistribuées à cause du digital et de l’intelligence artificielle, auraient-ils adopté une posture différente? Sans connaître la donne, pour s’adapter à l’incertitude, ils auraient sans doute mis en œuvre une organisation, des processus, une capacité d’écoute des consommateurs et une informatique infiniment plus agiles. Dans l’objectif de pouvoir rapidement intégrer les opportunités du nouveau jeu, plutôt que de laisser des start-up sans «legacy» inventer seules les nouvelles règles. Ils se seraient organisés en structure transformative. La structure transformative, c’est un état d'esprit et une organisation qui consistent à envisager l’innovation, le métier, les processus et l’IT comme autant de pièces d’un Lego géant dont la construction ne sera jamais terminée.  

Être mieux armé face à l'innovation

Au grand show du NRF (National Retail Federation), la conférence de référence sur le sujet aux États-Unis, Mike McNamara, le CIO de Target [enseigne de grande distribution], a expliqué comment il a modifié radicalement l’organisation du travail en seulement dix-huit mois. A son arrivée, il a trouvé huit cents projets en cours à l’IT, avec des délais de plusieurs années pour la moindre mise à jour des systèmes. Son approche a été simple: pas de Powerpoint, pas de longs audits, il a utilisé l’intelligence collective des équipes en place et chacun a eu droit à cinq post-its pour dire, selon lui, quelles étaient les priorités de l’organisation. Cela a permis de retourner à l’essentiel en réduisant drastiquement le nombre de projets ouverts comme les délais de mise en production. L’approche s’étend maintenant à tous les métiers, bien au delà de l’informatique. La menace d’Amazon reste entière, mais Target est bien mieux armée pour innover ou imiter rapidement une innovation venue de l'extérieur.

Lloyds, au Royaume-Uni, adopte une organisation interne centrée sur les parcours clients. Un responsable est nommé pour chaque parcours, par exemple obtenir un prêt immobilier. Son rôle est d'en assurer la fluidité et de gérer des projets éclairs destinés à améliorer ou à simplifier l’expérience client. Cette nouvelle organisation a permis de diviser jusqu’à dix fois le temps s’écoulant entre une idée et sa mise à disposition des clients. Marks & Spencer, de son côte, a investi massivement pour changer sa façon de faire du commerce. La structure transformative a été de s'envisager comme une entreprise de production de contenu autant que comme un magasin. Ils ont compris le potentiel des contenus digitaux comme points de départ des parcours de consommation de l’enseigne. Cela a impliqué l’évolution de tous les postes de travail et le déploiement de plateformes de gestion de contenu aussi performantes que celles des journaux en ligne. Marks & Spencer peut désormais faire face sereinement à l’irruption d’innovations, comme les chatbots de commerce, qui ne sont pour eux qu'une nouvelle pièce de leur Lego implémentable en quelques semaines.

Reprendre la main

Conclusion: c’est le premier pas qui compte. Celui-ci, quelle que soit l'entreprise, est d’accepter et de savoir transmettre aux employés et partenaires l'idée qu’il va forcément se passer quelque chose qu’on n'avait pas imaginé comme ça. Et d'entamer une évaluation rapide et objective de l'existant et des priorités pour repérer les offres, processus et plateformes qui auront du mal à résister si la donne change rapidement. Au delà de son intérêt défensif, la démarche a une bonne probabilité de créer de opportunités d'innovation et de reprendre la main sur la catégorie dans laquelle l’organisation évolue.

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