L’élection inattendue de Donald Trump a donné une formidable visibilité à des enjeux encore méconnus de la réputation des entreprises et des marques: les algorithmes d’édition
de l’information. On connaissait déjà l’effet dévastateur d’un Google Suggest, cet algorithme bien sympathique et parfois très utile de suggestion de requêtes dès les premières lettres tapées dans la «search box» du fameux moteur de recherche. Vous cherchez, par exemple, des informations factuelles sur la biographie d’un grand patron et Google vous suggère des requêtes associées qui vous amènent parfois vers des contenus inattendus, comme une polémique sur sa rémunération, ses opinions politiques ou religieuses. Pour résumer, le moteur attire l’attention sur des sujets qui affecteront sensiblement l’opinion qu’un journaliste avait de ce dirigeant.
Caisse de résonance
Aujourd’hui la plupart des plateformes sociales utilisées pour s’informer s’appuient sur des algorithmes pour trier et organiser l’information. C’est le cas de Linked In, de Facebook et
depuis peu d’Instagram. Seules exceptions notables: les messageries de type Whats App et la plateforme Twitter, qui ne «rangent» pas les contenus.
L’élection de Trump est un cas d’école. Facebook est aujourd’hui sous le feu des projecteurs, accusé d’avoir amplifié la diffusion de fausses informations. Le sujet n’est pas nouveau, mais son impact est devenu préoccupant.
Greg Linden est connu pour être l’inventeur de l’algorithme de recommandation d’Amazon (le fameux «les gens qui ont acheté ceci ont aussi acheté cela»). Ce qu’on sait moins, c’est qu’il avait créé et pris la décision de fermer un agrégateur d’actualités, dénommé Findory, et qui utilisait les mêmes méthodes algorithmiques. Findory a beaucoup influencé les travaux similaires chez Google, Microsoft ou encore AOL (http://glinden.blogspot.fr/2007/01/findory-ridesinto-sunset.html). Cependant, comme il l’a indiqué dans son annonce de fermeture, les algorithmes basés sur la popularité ou les choix individuels ont une fâcheuse tendance à «enfermer» le lecteur dans l’information qu’il peut consommer. Greg Linden avait pourtant «tordu» son algorithme pour qu’il propose, à l’époque, plus de contenus républicains à des démocrates et vice versa, malheureusement avec un succès très limité.
Facebook n’est pas responsable de la production des contenus des sites médias qui nous intéressent, mais il agit comme la caisse de résonance de certains d’entre eux, parfois médiocres, en analysant nos comportements ou ceux de notre réseau par «popularité relationnelle». Les utilisateurs de Wiztopic peuvent le constater quand la plateforme leur produit des analyses de la démultiplication sociale de l’impact d’un contenu.
Distorsion
Trump ou pas Trump, la question reste essentielle pour les entreprises et requiert de nouveaux modes de réponses pour les communicants. Prenons par exemple une marque grand public mise en cause dans le cadre d’une émission comme Cash Investigation. Outre la visibilité de ce contenu à la télévision, c’est sa persistance et sa capacité de «contagion» qui va être l’enjeu. Vous regardez une interview élogieuse du patron de cette société sur Facebook et à la fin de cette vidéo, le réseau social enchaîne directement sur l’extrait de Cash Investigation dans lequel ce même chef d’entreprise est chahuté. L’effet est très négatif, même si la société a entre-temps réglé le problème identifié par l'émission télévisée. Un autre enjeu de cette distorsion est son côté masqué.
Comment surveiller cette amplification algorithmique? L’entreprise n’ayant pas le même réseau, elle ne verra pas nécessairement ce que des milliers de gens voient. Cette problématique n’est pas spécifique à Facebook, on la retrouve sous une forme différente sur You Tube. Bref, les algorithmes et la personnalisation, car les deux sujets sont
très liés, viennent bouleverser les habitudes des communicants.
Un chantier pour les communicants
L’antidote absolu n’existe pas, surtout quand les règles du jeu sont opaques, en l’occurrence la structure de l’algorithme. Les communicants ne sont pas tous ingénieurs en informatique. Cependant, quand ils travaillent pour des marques exposées, ils doivent intégrer ces phénomènes à leur stratégie, et soigner l’indexation et les formats de leurs contenus. C’est un sujet que j’aborde souvent quand je présente Wiztopic à des directions communication. Sans devenir «algophobe» ni tomber dans le laisser-faire absolu, les communicants doivent aujourd’hui devenir des «stratèges des algorithmes» et en connaître les implications, comme les webmasters le sont devenus pour Google et le référencement. C’est un nouveau chantier captivant pour tous les communicants curieux.