Prenez quelques secondes et repensez la campagne américaine. Vous en savez à peu près chaque info, chaque coup bas, chaque discours «inspirant» (merci Michelle O.) ou dégoûtant. Chaque minute, vous avez suivi l'état de santé d'Hillary, ses déboires avec ses e-mails, les dernières frasques de Trump…
Demandez-vous maintenant comment vous avez obtenu ces informations. Combien ont été apprises en regardant un sujet de chaîne de télévision généraliste? Combien en visionnant un bon vieux reportage, enrichi d'un non moins vieux micro-trottoir? Combien en lisant un article d'un journal papier payant? Et, surtout, combien sont apparues sur votre fil Facebook ou dans un coin de votre timeline Twitter. Si vous avez moins de 50 ans, cette dernière proposition devrait être majoritaire. Au point que l'on puisse désormais penser que ces élections américaines ont livré deux verdicts: d'abord celui des urnes, ensuite celui des médias. Certains sont en fin de mandat…
Le basculement au profit du consommateur
Vous le savez certainement déjà, mais nous vivons un moment charnière dans l'industrie des médias. L'évolution quasi-quotidienne des usages, les tsunamis mobile et vidéo ou l'émergence des plateformes ont mis les acteurs historiques dans un état de totale incertitude. Cette inertie crée une situation inédite: les curseurs sont remis à zéro. Médias historiques et jeunes pousses digitales natives sont désormais sur la même ligne et aucun n'a sa pérennité assurée.
La réalité derrière cette révolution est la suivante: le pouvoir est en train de changer de main. Dans le passé, il était détenu par les médias. L'industrie était moins concurrentielle et les canaux de distribution très limités, les marques médias étaient alors en position de force et pouvaient «dicter leur loi» en imposant leurs formats ou leur modèle économique, au détriment, parfois, du consommateur. On regardait TF1, on lisait Le Monde, on s'abonnait à Canal+. «No matter what».
La donne a changé. Des centaines de médias ont vu le jour et les réseaux sociaux ont offert à tous des tribunes et des plateformes de diffusion directe et rapide de leurs contenus. Cette révolution a provoqué un basculement du pouvoir des médias vers les consommateurs. Le média se voit désormais imposer par le consommateur l'instant et l'endroit où il va consommer son contenu.
Réussir à «plateformiser» et créer des contenus à (très) forte valeur ajoutée sera la clé de voûte des médias de demain. En effet, le défi n'est plus la distribution du contenu, puisqu'elle est assurée par les plateformes disponibles à tous, mais la capacité des médias à adapter leurs contenus aux plateformes sur lesquelles se trouvent les consommateurs: Facebook, Instagram, Snapchat, Gmail, You Tube, radio, télévision… Sur Facebook, il faut maîtriser la vidéo et le motion design, sur Instagram la photo, sur Snapchat l'instantanéité…
Entre disparitions et opportunités
Cette révolution oblige alors les médias à élargir leur champ de compétences, à être plus créatifs, plus innovants et à produire des contenus à la fois intéressants dans le fond et fun dans la forme. Elle annihile également les formats publicitaires intrusifs ou les modèles d'abonnement pour des contenus sans valeur et oblige les médias à réinventer la publicité. Elle sera certainement à l'origine de la disparition de nombreux acteurs historiques dans les prochaines années, incapables de relever ce nouveau défi créatif.
Enfin, elle offre des opportunités exceptionnelles pour ceux qui sauront garder les yeux grands ouverts aux évolutions et qui auront l'humilité de se remettre en question de façon permanente. Les médias ne sont pas morts. Ils sont en train de ressusciter.