Depuis la dernière conférence F8 où Facebook a présenté sa nouvelle plateforme de chatbots sur Messenger, le sujet est au cœur des conversations. Il faut dire que l’annonce était attendue, puisque les bots existaient déjà depuis un moment sur d’autres plateformes telles que We Chat, Kik ou Slack.
Si pour la conférence Mark Zuckerberg a choisi de montrer un usage e-commerce avec le bot de 1-800-Flowers et un usage média avec le bot de CNN, les chatbots pourront être utilisés dans beaucoup d’autres domaines.
Les chatbots, les nouvelles apps?
Ces assistants virtuels capables de discuter, de répondre à des requêtes et de rendre des services ont un immense potentiel. Intégrés à l’interface d’une messagerie instantanée comme celle de Facebook Messenger, ils permettent d’utiliser cette application pour contacter un service client, réserver un voyage, payer ses factures d’électricité, commander des fleurs, faire des rencontres, etc.
Grâce aux chatbots, les messageries instantanées deviennent des services intégrés qui concentrent les services d’une multitude d’apps. Elles sont une destination unique, un one-stop-shop pour de nombreux usages et services.
En cela, elles ne font qu’accompagner un usage, puisque les apps de messaging ont dépassé les réseaux sociaux en termes de nombre d’utilisateurs actifs mensuels en 2015 (source: Business Insider Intelligence).
En se connectant à l’API de Messenger et en développant son chatbot, une marque se rend disponible là où les utilisateurs se trouvent et leur fournit une expérience plus fluide puisqu’ils n’ont plus à sortir de l’app, se loguer, remplir de formulaires, etc.
Pour les marques, les avantages sont clairs:
- Une présence sur les très populaires plateformes de messaging, autrefois fermées aux marques.
- Un parcours client fluide et unifié, sans téléchargement d’app.
- Une conversation directe, personnalisée, one-to-one avec ses publics.
- Une disponibilité 24h/24.
Et les opportunités sont nombreuses:
- Informer (cf. chatbot de CNN) ou divertir (Disney)
- Conseiller (Sephora, H&M)
- Acheter ou réserver (1-800-FLOWERS, Domino’s Pizza, Uber)
- Assister et fidéliser (Axa, Voyages-SNCF.com, KLM, Hyatt)
Tout le parcours d’achat client est potentiellement impacté, voire même intégré en une seule app.
Et les premières études montrent qu’il y a un appétit pour cette technologie de la part des utilisateurs de smartphones : selon une étude de Mindshare UK et IBM, 63% des 18-65 ans envisageraient d’utiliser un chatbot pour dialoguer avec une société ou une marque.
Il est certain que la transition prendra du temps et que la technologie devra s’affiner pour éviter l’effet déceptif auprès des utilisateurs, mais le commerce conversationnel va devenir réalité. La plupart des marques devront tester les chatbots, car outre la valeur d’image que procure toute innovation, ces derniers devraient devenir un canal relationnel privilégié, comme nous le montre l’exemple des Chinois, qui ont adopté massivement les bots sur We Chat depuis quatre ans.
Quel impact pour la marque?
On le voit, les chatbots vont devenir un point de contact privilégié entre la marque et ses utilisateurs. Ils vont enfin permettre ce dialogue avec les marques que l’on annonçait avec tambours et trompettes au début des réseaux sociaux et qui n’est jamais advenu (qui souhaite réellement devenir «ami» avec une marque de soda ou avec sa banque?).
Mais qui dit dialogue dit personnalité. Les bots auront une personnalité, comme Siri, l’agent conversationnel d’Apple. Ils devront donc incarner la marque, être cohérents avec son positionnement, véhiculer ses valeurs et sa personnalité. Il faudra les traiter non pas comme de simples solutions logicielles mais comme des ambassadeurs de la marque. Pas seulement des chatbots, mais des «brandbots».
Dès lors, il faut se poser plusieurs questions:
1. Quels Services le chatbot doit-il et peut-il rendre?
2. A quelle(s) Population(s) peut-il légitimement s’adresser?
3. Quelle est son Identité : à quoi doit-il ressembler et comment doit-il s’exprimer?
4. A partir de quand un humain doit-il prendre le Relai?
5. Quel impact sur l’Organisation interne et les process?
SPIRO: c’est l’acronyme que l’on utilise pour désigner notre méthodologie lorsqu’on aborde ce sujet.
1. Services: quel est son champ de compétence?
On doit évidemment se poser cette question au prisme de l’UI, l’interface utilisateur. Est-ce que l’expérience utilisateur se trouve améliorée par l’usage du bot? Pour reprendre l’exemple de 1-800-Flowers, si la commande d’un bouquet de fleurs prend 25 étapes alors qu’elle n’en demande que 10 via l’application smartphone, cela perd de son intérêt. Sauf si l’on considère qu’un utilisateur occasionnel ne téléchargera probablement pas une ènième app sur son smartphone déjà encombré et que le chatbot lui offrira une meilleure expérience qu’un site mobile.
Cela doit aussi se faire au prisme de la marque. Son champ de compétence doit rester cohérent avec le positionnement et la promesse de marque. On voit très clairement son utilité pour une marque d’assurance qui promet de nous faciliter la vie. Qu’en est-il pour des marques qui nous promettent de l’humanité ou de la confiance ?
Et s’il entre en cohérence avec la marque, sur quels types de services peut-il apporter une valeur ajoutée qui viendra nourrir la proposition de marque ?
2. Population : à quelles audiences peut-il s’adresser?
Certaines audiences ont plus de potentiel que d’autres et il est probable que les marques vont commencer par s’adresser à leurs clients ou prospects les plus jeunes et les plus technophiles, telle Axa qui a été la première marque d’assurance à se lancer sur Facebook Messenger.
Les chatbots ont aussi un fort potentiel pour ré-humaniser certaines tâches automatiques de la relation client en B to B, un domaine qui est trop souvent dépourvu d’humanité. Mais un public B to B est différent d’un public B to C et le arrive que la marque communique différemment selon ses audiences, il faudra en tenir compte lors du développement du chatbot.
3. Identité : quelle est sa personnalité?
Si le bot représente la marque, quel est son nom et son image? Doit-il adopter l’identité de la marque ou en avoir une distincte? Et quelle est sa personnalité?
Est-elle experte et professionnelle, proche et complice ou fun et décalée? Doit-il faire des blagues de bot, comme Mealou, un robot de recommandation de restaurants?
Tous ces attributs doivent être en cohérence avec la personnalité et l’identité de marque auprès des publics cibles, comme le serait un commercial ou un téléopérateur. Sa photo, son nom, son champ lexical, son usage des emojis doivent être ceux que la marque utiliserait si elle était humaine.
4. Relai : à partir de quand un humain doit-il prendre le relai ?
Tout d’abord, il faudra être très clair sur le fait que c’est avec un bot et non avec un humain que l’on dialogue, sinon on risque de créer de la déception. Le bot devra faire comprendre ce qu’il peut et ne peut pas faire et devra guider la conversation dans les bonnes directions. Et s’il n’en est pas capable, il devra proposer des solutions alternatives ou passer le relai à un humain.
Il faudra donc trouver un équilibre entre l’humain et le logiciel. D’une part, parce que les chatbots ont un champ d’action aujourd’hui limité par l’état de la technologie, mais aussi parce qu’on ne pourra pas et on n’aura pas intérêt à tout automatiser. Un niveau d’empathie inapproprié ou un service mal calibré et peu fiable endommagerait la marque, voire causerait un bad buzz, comme celui que Microsoft a essuyé avec Tay, son chatbot qui a dérapé en répétant des phrases racistes d’utilisateurs mal intentionnés.
Ceux qui parviendront à trouver cet équilibre humain – machine tout en intégrant le chatbot dans leur stratégie de marque réussiront à améliorer leur expérience client et à construire de l’engagement et de la confiance qui viendront nourrir la marque.
5. Organisation : quel impact sur l’organisation interne ?
Enfin, les chatbots posent aussi un défi à l’organisation interne. Si le chatbot a vocation à être plus qu’un simple coup de communication, alors c’est un vrai sujet de transformation digitale qui impactera l’organisation et les process. Notre conviction est que la transformation digitale est avant tout un sujet de transformation business, dans un contexte de concurrence accrue et de recherche de leviers de croissance. Or la marque est un asset clé de création de croissance.
Quel service doit être en charge? La marque, la communication, le marketing ou le digital? Chaque entreprise a sa propre organisation et ses propres objectifs et il est probable que tous ces départements seront impliqués à des degrés divers et seront amenés à collaborer. Mais il sera crucial de déterminer des principes de gouvernance pour concilier l’efficacité optimale dans la conduite du projet tout en s’assurant que l’on ne trahit pas la marque. Mieux, un chatbot doit apporter de la valeur à la marque et réciproquement, la marque doit apporter une proposition de valeur spécifique pour faire du chatbot quelque chose d’unique, un champ d’expression de la marque et non pas juste le «gadget» technologique du moment.
C’est à cette condition que le chatbot sera un «brandbot», qui accompagnera vraiment la «brand transformation» et sera source de croissance pour la marque et le business.