Le secteur du luxe et de la mode traverse une période particulièrement difficile. L’Europe, Paris en particulier, et les marchés traditionnels du luxe, comme Hongkong et Macao, souffrent du manque de clients locaux et étrangers dans les points de vente. Mais, même à long terme, le tableau n’est pas vraiment plus réjouissant. Le luxe entre dans une crise structurelle, qui appelle à une remise à plat.
La croissance du secteur a été portée pendant des années par le développement du réseau retail. Depuis vingt ans, les grandes maisons ont construit des réseaux de magasins en propre importants. Nous avons atteint un palier. Le nombre de points de vente parfois trop important met en danger la rentabilité par mètre carré.
En parallèle, le digital et l'e-commerce continuent à se développer fortement. Selon l’étude récente de BCG «Digital or die», six achats sur dix sont influencés par le digital. Les groupes de luxe doivent décider maintenant de renouveler ou non des baux commerciaux onéreux, alors que le digital, son influence et sa praticité se renforcent sans discontinuer. Un choix cornélien.
Une seconde tendance de fond – qui a porté la croissance des groupes pendant des années et qui s’essouffle – est la capacité à augmenter les prix de vente. Depuis des décennies, les marques ont pu augmenter leurs prix sans effets majeurs sur le volume des ventes. Or, avec la récente montée des marques premium américaines et le développement du digital, les clients sont de plus en plus éduqués et informés – surtout les clients chinois – et comparent les marques, donc les prix.
Expérience intégrée pour tous les points de contact
Les clients, quel que soit leur âge, veulent une expérience intégrée pour tous les points de contact. Ils veulent toujours découvrir les produits en point de vente, mais les expériences digitales sont une manière de leur apporter une gratification immédiate. A ce titre, l’exemple de Burberry qui a décidé, il y a dix ans, de miser tout son développement sur le digital est éclairant. Il faut vraiment se rappeler ce qu’était cette marque à cette époque et comment elle s’est hissée sur le devant de la scène, grâce à une compréhension fine du client et de ce qu’il recherche. Dans notre secteur, nous sommes à l’âge de pierre de la compréhension des clients et du média. Tout reste à inventer, notamment une orchestration complète autour du client. En effet, les marques sont souvent trop cloisonnées et limitées expertise par expertise, pays par pays. Le client voyage, compare, réfléchit… Il faut retrouver de la souplesse.
Les marques américaines ont une avancée remarquable dans l’intégration digitale. Mais nous avons, en Europe, des ressources incroyables. Les maisons européennes s’appuient sur l’attractivité de leur pays à travers le monde, elles se nourrissent d’une histoire qui n’attend qu’à être partagée.
Le cas particulier de la clientèle chinoise
Les clients chinois ont une importance toute particulière pour notre industrie. Sur le marché local, mais aussi dans le monde entier, ils représentent entre 30 et 60% des ventes des maisons. Le tassement de la croissance chinoise et les lois anti-corruption ont affecté toute l’industrie. Depuis trois ans, les marques américaines émergent en Chine. Elles sont très actives et ont intégré une culture «hors silo» propre au digital et au pays: «test and learn», analyse fine des cibles, propositions adaptées… Le modèle de communication en silo, qui sépare le digital du média, qui traite le touriste comme une erreur de casting, doit voler en éclats. Plus que jamais, les vrais clients doivent être mis au cœur des stratégies de développement.