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«GAFAnomics» saison 2: passés du statut d’enfant terrible à celui de parent responsable, les Gafa sont devenus à la fois un catalyseur et un modèle pour ces licornes qui galopent sur un terreau fertile créé par leurs prédécesseurs, écrit Stéphane Distinguin, président de Fabernovel, dans sa chronique mensuelle pour Stratégies.

Il y a un an, Fabernovel consacrait son étude annuelle – GAFAnomics: New Economy, New Rules – à la suprématie des Google, Apple, Facebook et Amazon, et à la révolution copernicienne dont ils sont les prophètes: le passage d’une économie et d'un marketing fondés sur le produit à un système entièrement centré sur l’utilisateur – qu'il soit client ou non. Nous nous émerveillions à juste titre sur ces nouveaux champions au mode opératoire de teenagers. Un monde où la fonction RH est balayée par le «pirate management», les comités de pilotage par la règle des 2 pizzas et la R&D par des «moonshots».

 

A force de tout accélérer, la crise de la quarantaine serait-elle venue plus vite que prévu?

 

118 milliards de cash en 2014, un chiffre d’affaires cumulé qui dépasse le PIB de l’Afrique du Sud, des marques dont la valorisation a surpassé celles des mythiques Coca-Cola, McDonald’s ou General Electric et une capitalisation boursière cumulée qui s’approche des 2 000 milliards de dollars (oui, vous avez bien lu): force est de constater que les Gafa ne sont franchement plus des start-up et qu’ils sont devenus les parents de la nouvelle économie.

 

Mais quand on grandit – vieillit ? –, on fait face à de nouveaux problèmes. En annonçant en grande pompe la création d’Alphabet, Google nous montre qu’il commence à faire face à la tension classique entre métier traditionnel et recherche de nouveaux modèles économiques. Il nous montre aussi sa crainte à voir le grand public se braquer à son tour sur ces sujets depuis longtemps instruits par les autorités réglementaires et de la concurrence.

 

Autre ride, celle des rachats d’actions et versement de dividendes qui s’intensifient face à la pression des actionnaires et de leur cours de Bourse. Surprenants pour ces Gafa plutôt habitués à brûler leur cash en R&D, rachat de start-up et stocks options pour leurs salariés. Et, l'âge aidant, on pardonne moins les erreurs de jeunesse: «fail fast, fail often», d’accord, mais quand même… L’échec du Fire Phone d’Amazon, le flop des Google Glass, le lancement mi-figue mi-raisin de l’Apple Watch présentent des Gafa moins étincelants qu’hier.

 

Cette année, si je retiens un chiffre et un mot, c’est 3 et licornes. En 2014, le cash accumulé par les 4 Fantastiques leur permettait de racheter toutes les licornes – ces start-up non cotées dont la valorisation dépassait alors un milliard de dollars. En 2015, le nombre de licornes a presque triplé et le cash de Google, Apple, Facebook et Amazon ne peut plus en acheter que trois. Seulement.

 

Si les Baidu, Xiaomi, Tencent et Alibaba bourgeonnaient fin 2014, en 2015 c’est Netflix, Airbnb, Tesla et Uber qui ont tenu le haut du pavé et fait l’actualité. Sans oublier le réseau social que Facebook et Google n’ont pas pu s’offrir, celui sur lequel les adolescents passent leur temps: Snapchat. Oui, les temps changent, et la part de nos usages sur internet dévolus aux Gafa – calculée selon les règles «GAFAnomics» – a baissé de 55% en 2014 à 51% cette année.

 

Les Gafa ont donc mûri et sont devenus à la fois un catalyseur et un modèle pour ces licornes qui galopent sur un terreau fertile créé par leurs prédécesseurs. On remarque d’ailleurs une corrélation perturbante entre le lancement de « stores » (Apple Store, Android Store, Google Play) et la création des fameuses licornes.

 

Quand certains, appelons-les DuMiTA (baiDu, xiaoMi, Tencent, Alibaba), ont grandi en s’inspirant fortement du modèle des GAFAnomics, d’autres, comme Rocket Internet, sont allés jusqu’à copier la formule et l’appliquer à l'infini. A croire qu’aujourd’hui, tout le monde peut créer son «Gafa Studio».

 

Alors oui, les Gafa vieillissent mais les GAFAnomics viennent de naître. Il «suffit» de s’en inspirer et d’adapter leur recette pour trouver la vôtre, sur la base de quatre ingrédients qui feront autant de superpouvoirs: le magnétisme, ou la capacité d’agréger et d’opérer de petites unités de valeur; l’instantanéité, ou le pouvoir d’utiliser en «temps réel» la donnée pour améliorer le produit et l’expérience; l’infinité, en se construisant pour une croissance sans limite, pour aller chercher 100% de parts de vos marchés pour des coûts marginaux pour ainsi dire nuls; l’intimité, enfin, ou cette capacité sans équivalent de s’adapter à chaque client, comme quand un smartphone produit en centaines de millions d’unités n’est en fait jamais le même en fonction de son propriétaire.

 

L’imitation est la plus sincère des flatteries – et nous y serions encore plus sensibles avec l’âge! –, alors ne nous privons pas de faire de même…

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