Mobilis in mobile
Le hasard fait bien les choses: en pleine affaire Volkswagen, Stéphane Distinguin, président de Fabernovel, était à San Francisco pour y découvrir les dernières innovations en matière de voiture connectée et de véhicule autonome. De Tesla à Uber en passant par Google, c'est l'un des sujets les plus chauds de la Silicon Valley ces temps-ci. Suivez le guide.

La voiture, ce symbole de liberté, du XXe siècle et de son capitalisme, a cessé de faire «vroum».

 

Ici, on parle de mouvement. Mobilis in mobile. Depuis ma première chronique début 2015, j’ai parlé de tout ce qui bouge dans cette grande transformation, cette transition numérique. Mais je ne pensais pas pouvoir rêver d’un exemple plus fort, plus allégorique que Volkswagen, notre champion industriel européen, leader mondial depuis très peu de temps – un titre ravi aux Américains et aux Japonais – qui s’effondre… pour quelques mauvaises lignes de code informatique. Voilà, comme dans les plus belles tragédies, «tout est là»: le numérique et ses valeurs ont terrassé les géants de l’industrie. Nous avons changé de civilisation.

 

En pleine tempête Volkswagen, je découvrais justement à San Francisco ces dernières innovations et prometteuses start-up s'attaquant au sujet de la voiture connectée et du véhicule autonome. De Tesla à Uber en passant par Alphabet (enfin Google, parce que justement, la marque Alphabet appartient à… BMW), c'est un sujet des plus chauds de la Silicon Valley ces temps-ci. 



La CaliforniiiiiiieUne blague récente dans la Silicon Valley: vous savez ce que c'est, une voiture? C'est un espace avec cent ordinateurs, qui opèrent 60 millions de ligne de code et transmet les données issues de plus de 200 capteurs et commandes à plus de 25 GB de l'heure.

 

Ce qui est fascinant, c’est la capacité de la Silicon Valley à se réapproprier et ré-inventer le monde. Les usines Tesla ne sont pas à Detroit mais à moins d’une demi-heure du centre de San Francisco, et l’Etat de Californie a été le premier au monde à autoriser la circulation sur ses routes de véhicules sans conducteur actif. Du coup, bien sûr, à nouveau, les start-up fleurissent: Automatic, Cruise, Quickpay, Roadify, Abalta, X-Brain… Tous les domaines sont concernés pour que l’objet le plus complexe et le mieux équipé en électronique, en fait le plus gros ordinateur en votre possession, soit accessible et propose une interface et des services à la hauteur de votre smartphone. Enfin.

 

Un Graal accessible: zéro émission, zéro fatality. La voiture de demain ne polluera pas, pour être exact, elle n’émettra pas de pollution: elle sera électrique. Toi lecteur, qui cherches fébrilement une prise électrique dès la fin de matinée quand ton smartphone a plus de six mois, tu sais ce à quoi vont ressembler nos vies d’électrautomobiliste.

 

Encore plus fort, le Graal de tous les constructeurs est désormais le véhicule autonome. Google, qui est le premier et celui qui a le plus publicisé la recherche et l’expérimentation des véhicules sans conducteur («driverless car»), annonce qu’après six années de test, plus de deux millions de kilomètres parcourus, ses voitures n’ont subi que onze accidents. À chaque fois, les algorithmes et la technique n’étaient pas responsables: soit les voitures étaient en mode «conduite humaine», soit l’accident était provoqué par un autre véhicule. Ayrton Senna s’en retourne dans sa tombe: la voiture du futur sera donc électrique et ne connaîtra plus d’accident.

 

Un bouleversement des modèles économiques. Fin du pétrole. Bouleversement industriel. Chambardement des modes de distribution. Des chaînes de valeur aussi. On étudie désormais l’achat d’un véhicule sur internet plutôt que dans une concession. On dit qu’une voiture électrique coûte déjà 30% de moins à entretenir qu’un véhicule à moteur atmosphérique. 

 

Une question apparaît donc avec la voiture connectée, toujours la même: qui offre les services et garde le contact avec l’utilisateur? Et deux autres questions surgissent avec la voiture qui n’a jamais d’accident: qui l’assure? Et, à défaut de gagner de l’argent sur les pièces détachées - puisque nous n’aurons plus d’accident et que la maintenance sera prédictive -, qui va tirer son épingle du jeu? Les Gafa, encore? Les assureurs? Les énergéticiens? Ou ceux qui vendent déjà du déplacement «on demand», Uber en tête?

 

De nouveaux usages, de nouvelles villes, une nouvelle civilisation. Logiciel, open source, internet, mobile, blockchain (Bitcoin)…: si cela me semblait les étapes évidentes de la numérisation du monde et ce qui le façonnerait, je ne pensais pas que le logiciel s’attaquerait sans scrupule ni respect à ce qui reste le symbole absolu de la précédente révolution industrielle. Au point, comme les météorites ont chassé les dinosaures, de nous interdire de conduire un jour.

 

Lors de ma visite de la start-up Cruise à San Francisco fin septembre, ses très jeunes dirigeants m'ont fait part d'une conviction de plus en plus répandue: d’ici à vingt ans, et bien après la disparition des moteurs diesel, la conduite humaine, trop dangereuse, sera totalement proscrite des zones denses et des centre-villes. Dire que je charriais ma sœur et mes neveux sans permis et que c'est leur génération qui invente la voiture qui interdira le permis de conduire. C’est leur vengeance, avec un V comme «vroum» et «vieux con».

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