Cette semaine, c’est back to school et back to business. Petit rattrapage pour toi, lecteur, qui avais paramétré ta boîte email avec un «OOO» (out of office message), signifiant que, cette fois, tu assumais totalement préférer la mer et le rosé à la trépidante actualité numérique.
L’été, on s'en souvient souvent comme le passage de l'enfance à l’adolescence. Et cet été, les pure players ont dû faire avec leurs hormones. La première voix à faire sa mue, c'est celle de Google, qui avoue être aujourd’hui une entreprise de publicité sur un marché mature. Google est devenu Alphabet, ou plutôt Google reste Google et tous les projets annexes - pour la plupart très éloignés du moteur de recherche et de ses projets connexes (Maps, Gmail, Android, …) comme la santé, les véhicules connectés… - auront leur vie autonome. On perçoit aussi qu’en dehors du raisonnement comptable et financier évident et de l’ambition des deux entrepreneurs à la tête de la deuxième capitalisation boursière mondiale, il y a la volonté de préserver l’avenir du groupe des procès, d’intention ou tout court, quant à ses pratiques concurrentielles et de gestion des données personnelles.
En pleine crise de puberté tardive? C'est sans doute le cas d'Amazon, seul acteur de la toute première vague du web, celle des Yahoo et AOL, à avoir passé, rentrée après rentrée, toutes les classes jusqu’à celle de leader mondial. Cet été, Amazon et son fondateur Jeff Bezos ont été au cœur d’une enquête du New York Times, devenue polémique, sur les pratiques managériales de ce champion du monde de l'e-commerce. Tel un adolescent qui se fait surprendre, il ne bénéficie déjà plus de la mansuétude accordée aux enfants/start-up, et n’a pas encore la maturité d’accepter d’être jugé comme Walmart…
Enfermé dans sa chambre, chiffres mirobolants sur le succès de sa «watch» à l’appui, Apple s’évertue à nous dire que nous n’avons rien compris. Mais son projet se révèle moins bon et prêt que ce à quoi la pomme nous avait habitués. C’est bien sûr passionnant et révélateur, j’y vois l’urgence d’entrer sur le marché de l’IoT [internet des objets] et de le «fermer» avec le meilleur ensemble de capteurs disponibles: quel gadget de «quantified self» préférer à l’Apple Watch et son intégration dans l’écosystème Apple?
Dans les loupés, cet été, il y a eu aussi les nouvelles conditions d’utilisation de Spotify qui ont fait hurler les internautes. Comme quoi, avec l’âge viennent les responsabilités, et à force, ce consommateur, qui est le produit et le client d’un service freemium, devient enfin regardant.
Seul Facebook semble sortir de l’été en pleine croissance et exempt de doute: pour la première fois, en août, 1 milliard de personnes se sont connectées en une journée aux services du leader des réseaux sociaux.
À l'Est rien de nouveau? On m’a souvent dit que la Chine était l’avenir, le seul, et qu’elle écraserait tout… La Chine n’est pas encore le leader qu’on nous prédisait: effondrement de la Bourse de Shanghaï cet été et dévaluation du yuan assez surprenante qui, selon l’inusable modèle de développement industriel du «vol des oies sauvages», est la preuve que Pékin a décidé de privilégier encore un peu son industrie la moins technique et de la protéger de ses voisins aux coûts de main d’œuvre déjà très nettement inférieurs.
À nouveau San Francisco s'élève et émerge comme le phare du XXIe siècle. Et quels sont les nouveaux tubes de l’été? On chante les louanges des Natu, le nouveau si(n)gle à la mode, qui ringardiserait les Gafa. Natu donc, pour Netflix, Airbnb, Tesla et Uber. Il s’est passé quelque chose, c’est sûr. Quand Fabernovel publiait la première édition de GAFAnomics au second semestre 2014, seulement avec leur cash, Google, Apple, Facebook et Amazon, achetaient… les 50 start-up les mieux valorisées au monde… En refaisant le même calcul en août 2015, ce n’est plus que… 4.
Oui, en un an, nous sommes passés de 50 à 4, avec Uber valorisé plus de 50 milliards. Mais est-ce à dire que les Natu vont manger les Gafa? Je n’y crois pas un instant. Et je vais reprendre les arguments utilisés par Google dans une des dernières actualités de l’été: la réponse point par point aux investigations de la Commission européenne par son vice-président Kent Walker. Des arguments usinés par le chief economist de Google, Hal Varian, le Roger Federer des économétriciens.
Les champions de la «network economy» ont deux impacts majeurs: le «consumer surplus», ils nous font gagner de l’argent (pouvoir d’achat, par exemple, grâce aux comparateurs de prix mais aussi aux heures passées sur You Tube ou Dailymotion gratuitement!) et du temps (faut-il se poser longtemps la question de savoir si on gagnera du temps en faisant ses courses de rentrée sur Internet ?); second effet, les «spill-over», ou transferts sectoriels. En gros, ils permettent des gains de productivité dans d’autres industries. Comme cette fameuse PME du centre de la France qui vend des accessoires de pêche dans le monde entier grâce aux géants du Net.
Alors, cette «network economy», ces GAFAnomics sont des champions déjà sacrés par Wall Street et Interbrand et les suivants, Natu ou Gafa chinois (Tencent, Alibaba, Baidu…), ne sont rien d’autre que les premiers bénéficiaires des «consumer surplus» et des «spill-over» des premiers… Essaie de faire quelque chose d’Uber ou Snapchat sans Google ou Apple, tiens! Mais du coup, sujet du bac 2016, c'est sûr: qu’est-ce que se transformer? Être en-dessous du trou de la gouttière des spill-over ou, au contraire, repartir de zéro et construire sa propre infrastructure?