Les chiffres sont impressionnants: selon une étude Google, près de 9 Français sur 10 ont effectué un achat depuis leur smartphone. Ce qui, selon la Mobile Marketing Association, s’est traduit en janvier 2015, par près de 35 millions d’achats. Une situation qui ne laisse pas indifférentes les directions marketing et les agences de publicité. Clairement, «il ne faut plus opposer le mobile à l’ordinateur», appuie Jean-Baptiste Rudelle, président de Criteo dans une interview accordée à Stratégies. Attention cependant: penser qu’il suffit d’étendre au mobile la stratégie mise en place pour le web est une grave erreur. Le mobile présente effectivement la particularité d’être utilisé depuis n’importe où. Il va donc falloir ici non seulement envoyer le bon message à la bonne personne mais aussi au bon endroit ! Autre écueil, les smartphones ne "digèrent" pas les cookies, causant la perte du continuum d’écran et, par extension, le continuum tracking. In fine, appliquer au mobile des techniques et des méthodes marketing pensées pour le web est contreproductif et fortement déconseillé.
Gérer la complexité du parcours client sur mobile
Analyser et observer le comportement en ligne et en magasin, délivrer des informations et services géo-contextualisés, créer des workflows marketing individualisés et data-driven sont les trois leviers incontournables pour parvenir à gérer au cordeau un parcours client omnicanal. Il faudra donc observer les actions cross-devices, online, offline et le fameux ROPO (Research Online, Purchase Offline et inversement). Combien de consommateurs démarrent en ligne et finissent en magasin? Qui utilise son mobile pour consulter des avis alors même qu’il est en boutique? Quels sont les produits les plus consultés sur le site ecommerce qui transforment le mieux en magasin? Il est devenu indispensable de valoriser et exploiter toutes ces données pour soigner sa clientèle et la stimuler intelligemment sans la faire fuir. N’oublions pas que, selon une étude IDC réalisée en 2015, les clients d’une enseigne effectuant des achats à la fois online et offline ont une rentabilité 30% supérieure aux autres consommateurs. L’enjeu est donc majeur et explique en partie l’engouement actuel pour les DMP (Data Management Platform) First Party dont la mission est de fournir toutes ces informations.
Collecter des données sur mobile : une contrainte technique de taille
Alors que les techniques de « tracking » sur le Web sont connues et matures, il va falloir tout revoir et tout repenser en fonction des tablettes et des smartphones. Deux devices qui évoluent dans un univers d’apps. Les applications ne fonctionnent pas comme un navigateur et communiquent très peu entre elles, voire pas du tout. Sur un mobile tout est en effet siloté. Pourtant l’expérience utilisateur doit rester la même. S’il existe des approches statistiques pour raccrocher le propriétaire d’un mobile à son ordinateur, leur fiabilité est trop faible pour garantir un usage marketing maîtrisé. Le nombre d’erreurs serait trop important et surtout inacceptable sur le smartphone, accessoire personnel et intime par excellence. En cas d’erreur, la réaction est radicale et se traduit souvent par une suppression pure et simple de l’application. La seule approche raisonnable consiste donc à inviter systématiquement l’utilisateur à renseigner une donnée d’authentification (email pour newsletter, login sur son compte client, social login pour gagner un coupon de réduction, etc.) au sein des applications mobiles. On parle de «call to action». Une fois l’identité de la personne raccrochée à l’app, une DMP sera en mesure de consolider les comportements de navigation cross-device (mobile, Laptop, iBeacon) et cross-canal (Web, Apps, Email, RTB, Store, etc.).
Mettre en place ses propres mécanismes d’on-boarding
Certains pourraient être tentés de s’appuyer sur les seuls identifiants des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) qui, grâce à leurs OS mobiles et/ou leurs réseaux sociaux, ont patiemment et systématiquement tisser des liens entres individus, navigateurs et smartphones. Mais ce serait prendre un risque déraisonnable en devenant dépendant des seules informations que ces géants veulent bien partager, des évolutions des conditions générales d’utilisation et de leur écosystème fermé (publicité, services, canaux de vente, etc.). Il faudra donc faire l’effort de mettre en place ses propres « mécanismes d’on-boarding First Party » pour garder la maitrise de ses données clients et son autonomie technologique.
Utiliser le web comme laboratoire
Même s’il faut désormais raisonner global avec un marketing digital individualisé et sans couture entre web et mobile, il est préférable de faire ses premières gammes sur le web avant de généraliser cette approche à tous les devices. Il faut construire ses algorithmes de personnalisation et les tester sur PC/laptop où le risque d’une crispation liée à un mauvais usage des données personnelles y sera moins fort que sur smartphone. Une DMP sera nécessaire afin de maîtriser les méthodes de profiling et mettre en place des techniques de tracking à l’individu. Après avoir vérifié la qualité des données collectées et une fois les premières expérimentations concluantes, il sera possible d’étendre au mobile ces techniques éprouvées. Restera ensuite à faire évoluer ces pratiques pour tenir compte de la dimension locale et intime du mobile.
Rien ne sert de courir, il faut partir à point. Par contre, il faut s’y mettre dès maintenant. Les outils existent, les méthodes sont là et les bonnes pratiques sont disponibles. Face à un tel enjeu, les marques qui s’y prendront trop tard ou trop vite risqueraient à terme d’être fortement pénalisées, voire mise hors compétition. Directions marketing, à vous de jouer!