Il sait tout ou presque de vous: votre marque de céréales préférée, le prénom de votre petit dernier, et même vos déboires avec votre banquier. Lui, c’est votre épicier. Comme la plupart des commerçants de quartier, il sait reconnaître les bons clients et les choyer par plein de petites attentions: un accueil souriant, des bonbons pour les enfants, la dégustation d'un bon produit... Un échange qui va bien au-delà du simple acte d’achat.
En revanche, comme la plupart des gens, vous avez sûrement vécu la frustration d'être traité comme un inconnu (voire comme un malpropre) dans un grand magasin que pourtant vous fréquentez régulièrement depuis des années, et dans lequel vous avez beaucoup dépensé... Quand cela arrive, on peut être tenté de changer de crèmerie, quitte à marcher quelques minutes de plus ou à dépenser davantage… pour un même produit. Chaque jour, des grandes marques perdent ainsi de bons clients, faute d’avoir su les reconnaître.
Autrefois, la valeur d’une entreprise industrielle dépendait de sa capacité de production. Elle était évaluée sur la base du cash flow généré par ses actifs matériels (immobilisations, stocks,…). A aucun moment, le bilan comptable n’intégrait la dimension pourtant essentielle à l’entreprise: la valeur client. Néanmoins, les entreprises ont toujours dû se battre pour conquérir des marchés. Avec la globalisation et la digitalisation de l’économie, cela s’est intensifié.
Aujourd’hui, la valeur d’une entreprise réside de plus en plus dans sa capacité à séduire et fidéliser les meilleurs clients. Dans un contexte de concurrence rude, l’optimisation de la performance marketing est déterminante. L’érosion des marges conduit les entreprises à s’interroger sur leur stratégie d’acquisition, de rétention et de fidélisation des clients. Quelle somme doivent-elles allouer à l’acquisition de nouveaux clients? A contrario, combien doivent-elles dépenser pour fidéliser leurs clients actuels? Et, question encore plus cruciale, ont-elles recruté les «bons clients»?
Revenons à votre épicier de quartier. Vous êtes un client fidèle et en bon commerçant, il sait vous chouchouter. Comment? En mettant de côté le produit que vous n’aurez pas le temps de venir chercher, en vous accordant une petite remise de temps en temps, et même en jouant les relais-colis quand votre emploi du temps est surchargé. Autant de petits gestes qui ne lui coûtent rien ou presque mais qui lui permettent de préserver son «capital client».
L'évolution des techniques de «customer intelligence» permet aujourd'hui aux grandes entreprises d'accéder collectivement à l'intelligence du petit épicier de quartier, d'apprendre à identifier et reconnaître les clients qu'il ne faut surtout pas perdre, de mettre en oeuvre des actions marketing personnalisées pour les recruter et, ensuite, les fidéliser. La clef de voûte de cet édifice est le capital client ou Customer Equity.
En adoptant cette stratégie, l’entreprise considère sa base de clients comme une composante fondamentale de ses «actifs». Mais comment peut-elle estimer au plus près la valeur de ces actifs alors qu’elle ne connaît pas à priori les revenus générés par chaque client? Pour cela elle peut recourir à des modèles prédictifs lui permettant d’estimer la valeur de chaque client ou Customer Lifetime Value (CLV).
C’est en effet grâce aux informations données par ces indicateurs que l’entreprise pourra optimiser sa performance marketing et commerciale. Cela lui permettra d’identifier les «bons profils», à savoir les clients générant le plus de bénéfices dans le temps et qu’elle orientera vers d’autres produits complémentaires ou des produits premium.
Elle pourra également évaluer le bon niveau de promotion de ses produits ou services (le coût d’acquisition ne devant pas dépasser la valeur client) ou encore qualifier les sources d’acquisition en identifiant les canaux, médias et campagnes qui génèrent les clients les plus profitables. L’estimation de la CLV lui permettra enfin de mieux allouer ses budgets marketing en choisissant le bon mix entre actions d’acquisition et stratégies de fidélisation.
Cette approche qui consiste à partir de la valeur financière de la base client (Customer Equity) pour élaborer la stratégie marketing est en soi une petite révolution. On ne se concentre désormais plus seulement sur l’accroissement du volume des ventes mais sur l’évolution de la profitabilité de sa base clients dans le temps. Les plans et actions marketing sont alignés avec la stratégie et les objectifs financiers de l’entreprise: les arbitrages sont réalisés à partir de données factuelles, de bases rationnelles.
La construction de ce système d’indicateurs centré sur la valeur client et partagé par l’ensemble des directions – marketing, commerciale et financière - favorise les échanges collaboratifs internes. Chacun peut enrichir les tableaux de bords par des informations concrètes afin de donner du contexte aux données.L’association du ROMI (Return On Marketing Investment) et de la CLV permet ainsi de réconcilier les départements marketing et finance en créant un langage commun orienté vers un seul objectif: l’optimisation de la performance de l’entreprise.