Le philosophe Bernard Stiegler le souligne dans Télérama: «ll n'y a pas d'innovation sans invention, mais il existe beaucoup d'inventions qui ne produisent aucune innovation. L'innovation consiste à socialiser des inventions technologiques, elles-mêmes issues de découvertes scientifiques». Et de citer en exemple France Telecom qui a contribué à la mise en place de la norme GSM alors que Nokia a réussi à la socialiser avec ses téléphones portables. C’est l’une des raisons pour lesquelles l’innovation est désormais transverse et n’est plus l’apanage des ingénieurs. Alors, comment les start-up innovent-elles désormais avec leurs utilisateurs?
Selon une étude PwC de 2013 («Breakthrough innovation and growth»), 93% des décideurs estiment que la croissance de l’entreprise s’effectuerait grâce à l’innovation. Pourtant, la création de valeur ne se fait pas uniquement sur une avancée ou une rupture technologique, elle passe également par des processus collaboratifs. Désormais, l’équipe de R&D enfermée dans son laboratoire n’a plus lieu d’être. Nombre de grandes entreprises l’ont déjà compris depuis des années en adoptant l’open innovation comme processus de recherche. Aujourd’hui, le modèle collaboratif est poussé à son paroxysme.
En effet, avoir une idée novatrice ne suffit pas pour développer sa start-up, il faut qu’elle corresponde à un réel besoin des futurs utilisateurs ou qu’elle soit rapidement intégrée/socialisée comme un nouvel usage. Dans cette perspective, le créateur et son équipe technique doivent travailler de concert avec l’équipe marketing. Cette dernière pourra étudier les attentes et les désirs des consommateurs, voire les créer. Dans ce contexte, la croissance pourra passer par l’amélioration d’un service ou produit déjà existant et non par l’invention du «next big thing». Steve Job n’était-il pas un grand expert en marketing et non un ingénieur?
L’équipe marketing joue un rôle de premier plan en recueillant les retours des premiers utilisateurs et en détectant ainsi les leviers de croissance possibles. Une bonne idée doit toujours être testée dans la pratique pour être développée avec tout son potentiel et mise sur le marché au bon moment. L’équipe marketing sera les yeux et les oreilles de l’entreprise sur son marché et auprès de ses clients. Son travail consistera à engager de manière pérenne une communauté qui testera l’application, produit ou service, qui donnera ses impressions mais surtout ses recommandations. Pour cela, il faudra recruter des utilisateurs – bêta testeurs – pertinents; ceux qui pourront apporter de réelles suggestions et faire la promotion de l’outil.
Le growth hacking s’avère une technique intéressante pour recruter ces premiers utilisateurs qui donnent de leur temps et de leur savoir. Selon la légende, les fondateurs de Hotmail ont lancé de manière empirique la première expérience de growth hacking. En 1996, le premier service de Webmail ne décolle pas. Les fondateurs constatent que 80 % des inscriptions se font sur recommandation et c’est alors que Tim Draper, un des investisseurs, écrit à la fin de chaque email: « P.S. I love you. Get your free email at Hotmail ». Six mois plus tard, Hotmail compte un million d’utilisateurs. De par sa logique intrinsèque, le growth hacking alterne périodes de croissance très importantes et stagnation. Le growth hacking nécessite d’alterner différentes opérations de marketing / hack afin de convertir les futurs utilisateurs avec des phases d’analyse et de segmentation.
Afin d’assurer que la stratégie et les actions marketing soient efficaces, il convient de construire des métriques communs. Cela permettra une meilleure prise de décision et une utilisation optimale du growth hacking.
Les 5 étapes pour orienter les actions marketing et l’adoption du produit
1) L’acquisition. Cette première étape consiste à générer du trafic sur son site en déployant des techniques d’inboud ou outbound marketing tels que les emailings ou les relations presse. 2) L’activation. Il s’agit d’inciter l’internaute à devenir un utilisateur en mettant en avant la valeur ajoutée du produit / service tout en simplifiant au maximum le processus d’inscription à une newsletter ou à la création d’un compte. 3) La rétention. Le « growth hacker » doit déployer toutes les actions permettant de retenir l’attention de l’utilisateur et le maintenir comme utilisateur actif en le faisant revenir régulièrement via des mises à jour, l’ajout de fonctionnalités,… 4) Les revenus. Le service convient parfaitement aux besoins des utilisateurs ciblés. Ces derniers paient pour un accès ou une utilisation du service. 5) Les référents. Seuls quelques utilisateurs se transformeront en ambassadeur, il faut pour cela leur donner très tôt des outils les incitant à partager leur expérience sur les réseaux sociaux ou à inviter leur carnet d’adresses par email.
Ces éléments devront aider la start-up dans sa stratégie de croissance d’utilisateurs. Les métriques ainsi récoltées serviront à estimer les résultats des actions menées. Mais avant de se lancer, une étude de marché ainsi qu’un positionnement clair est indispensable. Trop de start-up se lancent sur idée sans analyse préalable des besoins. Néanmoins, l’une des clés du succès n’est pas de vouloir tout «tracker» dès le lancement mais se concentrer sur l’acquisition et la rétention. Privilégier une stratégie d’«early adopters» avant d’activer les leviers de growth hacking.