Mobilis in mobile
Cette semaine, dans sa chronique pour Stratégies, Stéphane Distinguin, président de Faber Novel, explique comment donner de la valeur à des produits ou à des entreprises qui vivent d'une industrie dématérialisée.

Je me souviens d’une anecdote de Marc Simoncini - qui a le talent de vivre de belles histoires et de savoir les raconter - pour justifier de valeurs qui peuvent sembler extrêmement irrationnelles dans le rachat de start-up. Marc a dû se faire souvent poser la question des raisons du rachat d’I-France (tu te rappelles, lecteur, ce qu’était I-France?) 1 milliard de francs par le Vivendi de Jean-Marie Messier et il décrit une situation où perdu dans la forêt, entouré de loups qui rodent, la seule solution, c’est de faire un feu pour les éloigner. Si vous êtes les poches vides, le briquet qui vaut 1 euro dans une boutique en ville peut alors valoir le prix que demande son propriétaire, et pourquoi pas 1 milliard si c’est le prix de votre survie.

 

Pour moi, c’est la marque des meilleurs, à l’instar d’un Facebook avec Instagram ou Whatsapp, Google avec Adsense ou Android, Axel Springer avec Auféminin ou Se loger en France: ils savent payer très cher pour rattraper leur retard et ne pas prendre le risque de se faire manger par les loups ou les petits cochons. Certes, le succès permet de payer cher en rentabilisant vite (synergies, passage à l’échelle, intégration à une offre existante ou exposition à la base installée de clients) ou en payant en «titres» plutôt qu’en cash (le cours de Bourse de Google avait «gagné» nettement plus que le prix de son acquisition de You Tube le lendemain de son annonce).

 

Mais cela n’explique pas tout et je vous propose d’en tirer trois enseignements qui valent pour toutes les entreprises.

 

D’abord, savoir identifier des cibles et les (sur)valoriser. C’est le principe de la brosse à dents de Larry Page chez Google, qui vise uniquement des services qu’on utilise un minimum de deux fois par jour, par exemple, systématisation de la recherche de cibles par un «crawling» du web chez d’autres. Un prix qu’un entrepreneur ne peut pas refuser aussi, et on ne parle pas de multiples d’Ebitda ou de chiffre d’affaires, de «discounted cash flows», etc. Rappelez-vous: 22 milliards et le poste de président du conseil d’administration de Facebook, c’était le prix pour racheter Whatsapp, une entreprise de quelques années et 40 personnes.

 

Ensuite, la capacité à laisser l’entreprise achetée se développer avec suffisamment d’indépendance pour réussir encore mieux au sein du nouvel ensemble qu’elle constitue avec son acquéreur. Comme si l’acheteur veillait à ne donner que ce qu’il avait de meilleur dans son organisation pour que la start-up et l’équipe qui l’a emmenée jusque-là continuent eux aussi à donner leur meilleur. Comme Axel Springer avec Auféminin ou My Little Paris.

 

Enfin, quels indicateurs regarder? C’est un point clé et pour le coup, il dépasse l’enjeu de réussir ses acquisitions. Pour se transformer, comme vous vous pèseriez pour un régime, il faut se mesurer et trouver les bons critères de performance à l’ère numérique. Qu’ils permettent donc de fixer et de suivre un cap, de jouer suffisamment vite des synergies et des complémentarités pour gagner en impact, mais aussi en vitesse d'exécution, là encore la marque des meilleurs.

 

Un briquet donc, mais pas n’importe lequel. Un briquet cher et solide. Et ne jamais aller en forêt sans avoir appris à reconnaître les loups!

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