Ici New York
Cette chronique est titrée sous la forme interrogative mais Clarisse Lacarrau, planneur stratégique officiant ici depuis New York chaque semaine, a la réponse. Mais elle a quand même dû tester plusieurs hypothèses.

Cela va paraître gratuit et un rien arrogant mais je voudrais parler du sujet houleux et tout à fait misogyne qui me scandalise à chaque fois que je me retrouve en compagnie de femmes américaines en trop grand nombre: leur voix, et surtout leur niveau sonore! Et aussi leur musicalité, car oui, l’Américaine a un petit portfolio de mélodies qui habille toutes ses conversations et qui sont en fait des metacodes pour vous faire passer des messages cryptés, de type «je souris, mais je te déteste» ou «je suis polie mais je trouve que c’est nul». Imaginez le boulot qu’il a fallu, d’abord pour supporter les décibels puis ensuite pour essayer de comprendre qu’est-ce que toutes ces petites montées à la Callas ou descentes en mode maman pouvaient bien vouloir dire.

 

J’ai cherché au début une explication phonétique mais les hommes américains n’ont pas des voix de canard et ne vous hurlent pas dessus (sauf ceux qui font leur malin en réunion et font des blagues, et sont par ailleurs mal à l’aise, ceux-là parlent fort mais ça, c’est pareil partout dans le monde). Au début, j’ai imaginé une théorie jolie: la géographie de la voix. Il ne faut pas sous-estimer l’influence de son environnement géographique.

 

L’Amérique est vaste, où que vous soyez, à NYC comme ailleurs aux USA, vous avez accès au ciel, immense, vaste et infini, aux horizons, à l’espace en général, rien qui vous entrave, jamais serré, jamais étriqué (il n'y a que quand on prive les Américains du ciel, dans le métro par exemple, qu’ils rétrécissent)… On a tout à coup l’énergie de son corps qui se déploie, la vue qui s’aiguise, la respiration pleine, et donc tout naturellement la voix qui porte. Un peu comme si on obéissait tous à l’adage «la nature ne supporte pas le vide» et que les Américaines le remplissaient de toute la puissance de leur voix.

 

Ça, c’était la première hypothèse, dans sa version poétique, parce que oui, quand même, j’insiste: la force de l’Amérique, c’est son ciel, jamais lourd, jamais petit… Immensément vaste, il agrandit les possibles en un clin d’oeil. Mais bon, stop au lyrisme, un tas de chansons folk racontent ça mieux que moi.

 

La poésie ne marchant pas, j’ai dû constater que la femme américaine qui hurle, c’était toujours sous l’effet du groupe, une Américaine seule en tête à tête vous parle tout à fait normalement. En fait, encore une fois, la loi du marché et le diktat de l’offre et de la demande ont frappé. Il s’agirait plutôt d’une compétition immédiate, en présence ou non de mâles dominants qui poussent les Américaines à parler fort. Le décibel entraînant le décibel, cela pousse tout le monde à parler de plus en plus fort et donc à ne plus s’entendre et donc à perdre son temps.

 

Je l’ai vécu en vrai, un dimanche après-midi, chez un français à Los Angeles, ambiance petit comité, bien équilibré hommes/femmes, petit brouhaha de gens en pleine conversation, chants des oiseaux et fond de musique jazzy, et puis sans crier gare, tout le monde s’est mis à parler hyper fort, comme si les oiseaux du jardin s’étaient tout à coup transformés en Boeing 747. Je n’ai pas compris ce qu’il s’était passé, j’étais dans la cuisine et en arrivant dans le salon, le petit comité du dimanche après-midi avait gagné quatre personnes, des femmes, des Américaines. On aurait voulu faire une experience scientifique, on n’aurait pas été aussi probant.

 

Dans ces moments-là, pas d’autres options que la technique de la silencieuse hautaine. Ainsi, dans le meilleur des cas, vous apparaîtrez comme une Parisienne arrogante et comme il n’y rien de plus sexy apparemment que cet animal féminin, vous doublerez tout le monde au poteau; il est d’usage de dire que l’important ce n'est pas la vitesse mais l’accélération: appliqué à ce cas précis, on pourrait dire que l’important c’est le silence, pas la puissance de la voix. Life is bitch!, comme on dit ici.

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