Mobilis in mobile
Cette semaine, dans sa chronique pour Stratégies, Stéphane Distinguin, président de Fabernovel, fait le pari que nous sommes en haut d'un cycle «too big to succeed» incarné par Uber comme modèle absolu face à General Electric. Le pendule s'apprête à repartir dans l'autre sens... mais il ne reviendra pas au même endroit.

Dans ma première chronique sur Stratégies, je disais de l’année 2014 qu’elle était celle de la fin du déni, celle du consensus sur la reconnaissance de nouveaux rapports de force et sur la nécessité et l’urgence de la transformation numérique, aussi. Nous sommes passés en douze ans, comme un cycle d’astrologie chinoise, du «too big to fail» d’après la bulle internet au «too big to succeed» de Y Combinator, de General Electric comme modèle absolu à Uber. 2015, un cran plus loin, marquera le haut de ce cycle qui exerce un mouvement pendulaire des grands vers les petits.

 

Et cette fois je fais le pari, de San Francisco à Paris, que ce pendule repart mais dans l’autre sens. Et que dans douze ans, il ne reviendra pas au même endroit qu’il y a douze ans. N’y voyez rien de quantique: simplement, nombre d’entre nous font maintenant en sorte que l’histoire ne soit pas tout à fait la même. L’entrepreneuriat, la créativité, les rapports de force, la polarité des organisations et des talents ont changé radicalement notre tissu économique. Avant que le pendule ne reprenne inexorablement son cours, l’heure est au(x) constat(s).

 

1) L’actuel mouvement du «start-up washing» est allé trop loin dans cette volonté de tout et de tous de ressembler à des start-up, à l'opposé de ces grandes entreprises qui, il y a dix ans, telles les dames patronnesses et leurs pauvres, avaient leurs PME comme caution. Que de chemin parcouru mais gare au ridicule du quinquagénaire dragueur sur le dancefloor en boîte de nuit.

 

2) Nous pouvons également constater que certaines start-up sont devenues des mastodontes, reniant au passage cette utopie numérique qu’est le gentil entrepreneur et s’exposant comme leurs ancêtres à des Etats bafoués, des consommateurs récalcitrants, des partenaires dépités. Pensez à Uber, que beaucoup à San Francisco évitent pour préférer le plus gentil Lyft et sa moustache rose, passé en à peine six ans de David à Goliath.

 

3) L’empire contre-attaque. La vieille Europe a décidé de réagir. Si la Commission européenne accuse et le Sénat français légifère, les entreprises, elles, alignent les milliards. Oui, pour la première fois, on parle de milliards en Europe pour un sujet numérique. Sur la dernière année, c’est au total plusieurs milliards qui ont été promis à la transformation numérique par Axa, Accor, SNCF et Leclerc, pour n’en citer que quelques-uns et des français.

 

Pour sentir le sens du vent, lorsqu’il s’agit d’économie européenne, il est de mise, vous le savez, d’observer l’Allemagne. Et si les Français allaient à Bruxelles en passant par Canossa pour le poste de commissaire aux affaires économiques, les Allemands, eux, peu ambitieux, raillaient certains, abandonnaient discrètement le commissariat à l’énergie pour celui de l’économie numérique avec Günter Oettinger. (La routourne va tourner, dirait un autre Franco-Allemand.)

 

Voilà donc le dernier flou de la révolution numérique, après celui de la vie professionnelle et personnelle, celui entre industries et services, entre secteurs industriels eux-mêmes: le flou de la taille. Car demain, face à ces nouveaux rapports de forces et ces polarités diffuses, saurons-nous et nous importera-t-il de reconnaître un transformé d’un «original», une ex-start-up d’un ancien monopole, un poulain d'un cheval au régime?

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