La campagne des Brasseurs de France a beau miser sur des clichés bien léchés (on y reviendra…), elle a réveillé un ours mal léché, car l’amateur de bière qui ne sommeille jamais très longtemps en moi se désole devant une campagne bien décevante, dont il conviendrait de faire table rase, en n’y laissant dessus qu’une bonne bière.
«La bière. Brassons les idées reçues.» On appelle ça une signature. Parlons-en… Brasser consistant à remuer, à mélanger, à mêler, je ne vois franchement pas très bien où cela nous mène de brasser les idées reçues. De plus, brasser est un terme noble pour un brasseur: cela consiste à travailler une matière première respectable. Faut-il entendre ici que les idées reçues seront au final brassées et broyées dans la bière comme jadis de Funès et Coluche dans un pâté en croûte géant de l’usine Tricatel? C’est une façon comme une autre de les «transformer», me direz-vous.
De quelles idées reçues parlons-nous? Je vous livre, si vous ne les avez pas encore lues, les deux premières que j’ai découvertes sur affiche: «C’est un fait, il n’y a pas que la choucroute qui s’accorde avec la bière» (maki à l’appui) et «Le goût de la bière n’a pas toujours que le goût de la bière» (ici, c’est une brochette de fruits qui est censée nous éclairer).
J’en déduis donc, a contrario, que penser que la bière ait toujours le goût de la bière serait une idée reçue… Moi, je pensais jusqu’ici que c’était une lapalissade! Que la choucroute s’accorde avec la bière en serait une autre… Effectivement, voilà une idée bien répandue, mais qui relève davantage de la vérité, certes relative, que de l’idée reçue. Passons – mais pas complètement – sur l’idée grossière qu’il faut des fruits pour qu’une bière ait un goût différent: ce n’est pas rendre justice à la bière, et à sa subtilité.
D’ailleurs, les images, elles, font volontiers dans le cliché. Ainsi de ce homard, rouge de confusion, qui embrasse de ses petites pattes, sur une troisième affiche, un verre de bière. Hommage à Jeff Koons ou à la choucroute… de la mer (qui s’accorde elle aussi très bien avec la bière)? Allez savoir… En tout cas, prendre comme symbole de la gastronomie un homard, voilà un beau cliché qui ne rend pas davantage hommage à notre sujet. Cette prétendue élégance sonne le toc, la pacotille, le mauvais goût.
Je vous parlerais bien de ce qui fait la noblesse de la bière, mais alors je suis sûr que cette tribune n’aurait aucune chance de passer car je sortirais du calibrage requis. Il y serait question d’amitié, de belles matières, de paysage, de cinéma, de cuisine, de saveurs, d’ambiance, de couleurs, de l’hiver et de l’été. On serait loin de ces affiches qui ressemblent à ces photos plastifiées qu’on trouve sur les vitrines des restaurants touristiques pour attirer le chaland…