Ici New York
Mais pourquoi les Américains manquent-ils à ce point d'éducation en matière de cuisine et d'aliments en général? Pourquoi ne font-ils pas la connexion terre-culture-assiette alors que la nature est partout autour d'eux y compris dans les villes? Clarisse Lacarrau, planneur stratégique installée à New York, a cherché et trouvé la réponse à cette question taraudante pour une Française.

Oui, la bouffe est un sujet pour nous Français, et elle devient une obsession quand on vit aux Etats-Unis – même si à New York, ça n’est pas vraiment un problème, tellement la ville offre toutes les gastronomies de la terre et avec qualité, et à Brooklyn encore moins, quartier qui a fait du bio et du local un des piliers de son identité. Mais pour nous qui avons inventé le mot terroir - mot dont j’ai dû expliquer toute la profondeur du sens à un Américain -, c’est clairement un élément de culture essentiel. J’ai vu des publicités ici pour des barquettes de fromage et de jambon disant «Before proteins come in a bar» (ce qui veut dire en gros: oui, la protéine est avant tout un aliment avant d’être un snack ou une pilule), c’est dire comme on en est loin!

 

Et c’est ce qui est le plus choquant ici, c’est le manque d’éducation à la «cuisine» et aux aliments en général. Et les non-sens alimentaires quotidiennement ingérés par ce peuple. D’autant plus un non-sens quand on vit dans un pays où la nature est si présente, si imposante. Même à New York, l’eau est partout, les éléments se déchaînent et dictent la vie des New-Yorkais, branchés sur météo TV tous les matins, dans un genre d’ultra-connexion et soumission aux éléments (quand nous nous remettons difficilement de 5 centimètres de neige à Paris par exemple).

 

Comme d’habitude, j’ai eu besoin de chercher une explication et elle m’est venue lors d’un cours séjour à Paris où un dimanche matin, je voyais une mère et son enfant aller joyeusement au marché. Ce qui l’air de rien permet de faire comprendre au petit Parigot que derrière la purée il y a des pommes de terre qui lui sont vendues au marché par un monsieur qui les « fabrique » avec ses petites mains (ou presque). Alors que depuis les années 1950 les Américains vont faire leur course dans d’immenses supermarchés où le moindre truc est enveloppé dans du cellophane, prêt à être mangé et mélangé avec 14 000 ingrédients (d’ailleurs plus, y en a mieux c’est). Alors pourquoi? Pourquoi tant de vastitude, de nature et de vide entre un poulet et une omelette?

 

C’est en cherchant dans les livres d’histoire que j’ai compris pourquoi les Américains ne faisaient pas le lien. L’Amérique devant la vague d’immigration et la taille de sa population a dû faire face à une demande qui lui a fait sauter l’étape «paysan local qui vend sa propre production». L’industrialisation de la nourriture pour faire face à la croissance incessante de la masse a fait déconnecter un peuple entier de la relation terre-culture-assiette. Comme si on avait coupé un maillon de la chaîne alimentaire. Oui, on mange des huîtres dans le Maine, du bœuf dans le Wyoming et des avocats à Los Angeles, mais c’est tout.

 

Voilà pourquoi Michelle Obama est obligée de se coller un potager à la Maison-Blanche pour expliquer d’où viennent les assiettes des petits Américains – ce qui explique aussi l’incroyable percée des marchés de producteurs locaux dans les grandes villes américaines. Les voilà en train d’apprendre à reconnecter leur assiette avec leur géographie et à fabriquer du terroir. Un peu comme quelqu’un qui aurait grandi trop vite… Elle a beau être vieille, l’Europe, elle sait ce qu’il se passe entre la poule et l’œuf.

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