Les données ont révolutionné le monde de la publicité. Pourtant, elles ont encore du chemin à parcourir avant de gagner le cœur de l’industrie: les créatifs. (…) Il reste encore fort à faire pour que les technologies publicitaires ne soient pas cantonnées au statut d’outils pour l’achat de supports de diffusion et le médiaplanning. La tâche n’est pas insurmontable et le jeu en vaut la chandelle, le marché devrait ainsi réellement décoller en 2015. Pour y arriver, il faut rompre avec trois idées préconçues.
«Il n’est pas possible de quantifier le processus de création.» Dès qu’il est question du travail créatif, on constate souvent un réflexe de rejet vis-à-vis des informations quantitatives. Or il faut savoir que les données sont déjà exploitées par les équipes de création, notamment pour obtenir des enseignements qualitatifs: des panels, des publics-tests, des visiteurs mystères voire des miroirs sans tain sont des pratiques courantes. Les enseignements de nouvelle génération sur le public-cible viennent compléter l’arsenal déjà à disposition des créatifs, avec deux avantages: ils sont basés sur des comportements réellement constatés; ces informations sont livrées en temps réel, si bien que les créatifs les ont à disposition en plein milieu d’une campagne, c’est-à-dire à un moment vraiment décisif.
«Le temps réel et le temps des créatifs ne sont pas compatibles.» Certains affirment que le processus de création est incompatible avec l’immédiateté des big data et les attentes immédiates des marketeurs. Si cela peut être la réalité, le fait de livrer aux équipes créatives des informations sur les publics ciblés n’implique pas pour autant d’avoir systématiquement à revoir le message de la campagne à la volée. Elles peuvent tout simplement permettre de comprendre, avec une autre perspective, les raisons pour lesquelles une publicité n’a pas aussi bien fonctionné que prévu. (…) Si vous avez des informations précieuses sur votre public-cible, pourquoi ne pas s’en servir?
«Personne ne verra une publicité dont la cible est trop restreinte.» Tous les créatifs espèrent que leur travail sera vu par un maximum de personnes, et certaines équipes n’oseront pas concevoir des campagnes qui ciblent les pères adeptes de Star Wars de peur de ne pas rencontrer une audience assez large. La donne a changé: les acheteurs d’espaces se basent désormais sur les mêmes données que les créatifs, celles-là même que ces derniers redoutent, pour repérer les audiences où qu’elles se nichent, en misant sur l’envergure même pour des audiences particulières.
Cela m’amène à aborder l’une des plus grandes craintes exprimées par les créatifs, à savoir que les technologies publicitaires vont réduire les êtres humains à une série de 1 et de 0. Il peut sembler ironique de demander aux équipes des agences de s’appuyer sur la technologie pour raconter des histoires captivantes. Pourtant, celles qui savent exploiter ces données pour mieux cerner leurs clients sauront comment s’en servir pour créer un lien. Aujourd’hui, les données et les technologies donnent les moyens aux marketeurs de tisser ce lien tout au long du parcours client. Elles permettent de redimensionner, simplifier et accroître l’engagement vis-à-vis des prospects et des clients. Elles aident à raconter une histoire convaincante.
Malgré tout, je reconnais un problème légitime concernant la surdépendance aux données pour piloter une stratégie créative. Les données ont en effet tendance à nous pousser vers la norme. Les campagnes les meilleures et les plus mémorables de l’histoire ont toujours été à la marge «I’d like to buy the world a Coke», le Marlboro Man, «Apple 1984», «Just Do It»... Le point commun de ces campagnes emblématiques, imaginées avant la naissance du système d’enchères? Elles parlaient à chacun de nous, trouvaient un écho en nous et nous donnaient un sentiment d’appartenance à une communauté.
Le cœur de métier des marketeurs est le récit, le fait de raconter des histoires. Les grands principes d’une campagne réussie sont intemporels: créer un lien avec votre public, lui raconter une histoire inédite, lui donner envie d’acheter votre produit et le fidéliser à l’égard de votre marque.
Une immense opportunité s’offre aujourd’hui à nous: réunir le monde des technologies et de la création pour mieux comprendre le comportement humain et, ainsi, raconter des histoires qui auront un plus grand impact et engageront davantage le public. Mais tout est fonction de la volonté à intégrer les données. L’année 2015 verra-t-elle l’avènement des créations basées sur les données? J’en prends le pari!