Beyoncé, Kim, Nicki et Iggy, au-delà de leur notoriété, partagent toutes les quatre une morphologie hors norme. Comme le dirait une célèbre relookeuse brésilienne, non sans une certaine forme de poésie: «Toi, ma chérie, tu es plutôt un 8 !» A mort le «skinny», vive le «big booty» pourrait être le slogan de ces chanteuses qui assument et exploitent fièrement leurs formes généreuses. Et cette célébration de la fesse proéminente dépasse maintenant l’épiphénonème pour s’ériger en manifestation pop.
Or contrairement à la tendance skinny, le phénomène s’est en partie bâti grâce à l'industrie musicale, ses égéries en tête, et le support des médias digitaux. Exit la combinaison «podiums, presse, pub glamour» utilisée par l’industrie de la mode (des couturiers à la presse en passant par les marques de prêt-à-porter), c’est à coup de clips sur Vevo, de «belfies» dénudés «leakés» sur le Net, de vidéos virales et d’émissions de télé-réalité que la tendance s’est lancée.
Et il aura fallu une couverture dénudée d’inspiration goudienne [celle du magazine américain Paper] suivie d’un élan viral, qui, à défaut d’avoir «cassé internet», a transformé la tendance en manifestation pop, donc, pour qu’après un règne sans partage de la fille svelte, le phénomène XL prenne forme. Deux façons de voir le corps féminin, deux approches médiatiques radicalement différentes.
Le phénomène est maintenant repris par de grandes marques, Weight watchers, Balsamik, Money Super Market et T-Mobile, pour ne citer qu’elles. L’organisme Sport England s’est même érigé en porte-étendard en réalisant un beau manifeste («This Girl Can») célébrant avec beaucoup de sueur les fesses de taille 44 et plus. Ces marques «twerkent» et «shakent» leur booty en s’appuyant sur une tonalité vindicative empruntée à la culture hip-hop/street d’une partie de ces porte-parole.
Ce n’est pas non plus un hasard si les codes de ce courant sont repris dans leurs campagnes. L’image des films publicitaires réalisés se fait plus brute, le langage direct teinté d’argot jouant sur l’humour, l’autodérision, le culot ou bien la revendication d’appartenance à une communauté.
Le succès des communications de ces marques qui ont su avant tout le monde s’emparer du phénomène, et qui continuent de l’alimenter, ne réside pas uniquement dans l’attrait de la nouveauté, mais également dans un discours qui se veut plus authentique. Plus authentique par l’affirmation au droit à la différence. Être différent sonne toujours plus vrai. Plus authentique parce qu’il se nourrit des origines street bien loin de l’univers policé des «catwalks».
Et l’industrie de la mode. Va-t-elle bouger ses fesses?