Deux des principaux quotidiens français et un grand quotidien américain sont en crise. Crise de l'offre mais aussi, la révolution numérique servant de révélateur, crise de management, de gouvernance comme on dit aujourd'hui.
A Libération, le choix de Nicolas Demorand en mars 2011 s'est rapidement avéré mauvais. Directeur de la rédaction et coprésident du directoire, celui-ci n'avait pas d'expérience de la presse écrite. Il a fini par démissionner, en février dernier, presque chassé par une rédaction avec laquelle la greffe n'avait jamais pris.
L'expérience de la presse écrite, Natalie Nougayrède l'a, et nul n'a jamais songé à la lui contester. Très bien élue par sa rédaction (à la différence de Nicolas Demorand), la directrice du Monde vient pourtant de démissionner quinze mois seulement après son entrée en fonction, au terme d'une crise avec ses troupes qui lui reprochent ses projets et peut-être surtout ses méthodes.
Au New York Times, enfin, Jill Abramson, la directrice de la rédaction démissionnaire, est elle aussi mise en cause pour un management «abrasif».
Libération, Le Monde, The New York Times: la situation économique de ces quotidiens n'est pas comparable, pas plus que l'état de leur offre éditoriale sur fond de «reset digital». Mais ce sont toutes des entreprises – pas comme les autres, mais des entreprises quand même – et diriger un collectif, une entreprise, cela ne s'improvise pas. C'est un métier auquel on se prépare et qui s'apprend.
Dans l'intérêt de tous – journalistes, financiers, lecteurs –, il est de la responsabilité des actionnaires et de leurs représentants (et des écoles de journalisme) de ne pas perdre de vue ce point essentiel. Au Monde, la séparation des fonctions de direction du journal et de direction des rédactions, annoncée le 19 mai, est un signe positif.