L'industrie du luxe, à laquelle nous consacrons cette semaine une large place à l'occasion du Grand Prix Stratégies du luxe 2010 (lire le palmarès p.10, l'enquête exclusive de l'Ifop p.12 et le dossier p.40), est comme d'autres confrontée au défi d'Internet. Mais plus que d'autres, la manière dont elle aborde ces rivages est passionnante.
Car le Web porte en lui une dimension immédiate et publique qui se heurte aux fondamentaux du luxe. Une star, en effet, comme le disait en substance François Truffaut, doit conserver mystère, éloignement et même inaccessibilité.
La tentative de surmonter ces contradictions s'appelle le «mass prestige», oxymore qui scelle l'alliance des codes du luxe et du marketing de masse, sur fond de montée en puissance des pays dits Bric (Brésil, Russie, Inde, Chine). Avec son parfum Voyage, dont le site Web conçu pour son lancement lui vaut le Grand Prix du luxe 2010, Hermès est sur cette ligne de crête.
La maison du Faubourg-Saint-Honoré n'est bien sûr pas seule. Quand Alber Elbaz signe ces jours-ci une collection Lanvin pour H&M, que fait-il d'autre? En 2004, racontait Libération le 19 novembre dernier, Karl Lagerfeld, qui a inauguré la formule avec Chanel, résumait crûment la finalité de l'opération: «Vous ne pensez pas qu'il y a des gens assez cons chez Chanel pour être contre? Celles qui vont acheter Karl Lagerfeld chez H&M auront aussi envie d'un rouge à lèvres ou d'un parfum Chanel.»
La part de risque de ces stratégies de «mass prestige» s'écrit depuis quelques semaines. Comme on sait, le loup LVMH, un spécialiste, s'est introduit dans la bergerie Hermès.