Chronique

De couvre-feu en restrictions, de ce fichu masque aux lointaines embrassades, d’envie d’air pur ou de balades dans les rues animées, la grisaille semble être devenue la couleur de notre vie. Même quand on accepte ces décisions au nom de la santé publique, de la responsabilité, et du respect de l’autre, on ne peut pas nier que la morosité, pour ne pas dire la déprime nous gagne et plombe notre quotidien. Et malgré le vaccin, ou parce qu’il semble si long à arriver jusqu’à nous, elle semble bien loin, la lueur au bout du tunnel. 

Dans ce moment, une question se pose à nous et à nos métiers. A-t-on encore le droit d’être optimiste ? Individuellement, chacun réagira en fonction de sa personnalité, de sa situation, de sa capacité de résilience et de projection dans l’avenir. Mais qu’en est il pour la communication ? Peut-on continuer à évoquer les « jours heureux » ? Le gouvernement a-t-il raison de se réjouir quand l’épidémie reste sur un « haut plateau descendant » ou pas ? Quelle que soit la taille de son entreprise, un dirigeant peut-il affirmer quand son chiffre d’affaire a baissé que les fondamentaux sont bons et que l’entreprise est bien armée pour la reprise ? Comment calibrer la communication de résultats pour que le regard ne reste pas figé sur l’année de crise ? Une marque peut-elle se projeter, sans légèreté mais avec envie, dans le futur proche et promettre qu’il sera meilleur ? Y a-t-il une fenêtre médiatique pour parler d’innovations à cinq ou dix ans ? Cette question se pose pour l’externe – les citoyens, les clients, les marchés financiers – mais se pose bien sur aussi pour l’interne – managers comme salariés. 

Sans vendre du rêve (ce temps est révolu depuis longtemps), la communication peut-elle revendiquer l’espoir ? Je crois que c’est indispensable et les différentes études que nous avons réalisées qu’il s’agisse de tests de campagne, d’évaluation de la parole du dirigeant, d’impact du discours stratégique interne, montrent que c’est possible mais sous certaines conditions.

C’est d’abord indispensable et c’est quelque part notre ADN. Notre métier est intrinsèquement positif (au risque d’apparaître parfois trop loin des difficultés des gens). Il s’inscrit dans une vision et une démarche de progrès, il suppose une confiance dans un futur non pas sublimé mais esquissé positivement. Si elle peut parfois s’appuyer sur la nostalgie comme détour créatif, la com n’est pas l’alliée du déclin. Et malgré les évolutions de la consommation, on n’a pas encore trouvé de quoi démentir notre Jacques Séguela pour qui la communication doit d’abord susciter le désir. Aujourd’hui (et ce n’est pas un engagement politique), le désir est d’avenir. 

Une attente forte en interne

C’est aussi un enjeu dans l’accompagnement de nos clients. Quelles que soient les crises, nous sommes souvent ceux qui disons les risques, mais notre métier serait tronqué s’il n’était là que pour annoncer le prochain malheur. Nos clients comptent sur nous pour les aider à les surmonter, à se transformer, à se projeter, à mobiliser. Consolider la réputation, construire de la préférence, améliorer l’image, fédérer autour de projets, cela s’apparenterait à « Mission Impossible » si on retenait le pessimisme comme considérant. L’attente est particulièrement forte dans les équipes internes qui, bien souvent, après avoir géré crise sur crise ces douze derniers mois, ont besoin de recréer du lien, de se recentrer sur des projets positifs et mobilisateurs. 

C’est enfin une responsabilité. Si nous ne le faisons pas qui le fera ? Les financiers, les experts du risque, seront toujours assez nombreux pour promettre le pire et dire qu’il vaut mieux attendre des jours meilleurs, que les conditions ne sont pas réunies, qu’il faut serrer les coûts. Dans ce combat souvent animé en interne, entre projection et résignation, nous avons forcément choisi notre camp.

Évidemment pas à n’importe quelle condition. Question de timing et de dosage d’abord. Dans cet océan d’angoisses, de tristesse et de colère mêlés, attention aux fautes de carre : l’optimisme doit être connecté aux réalités, surgir à un moment où il sera audible, et raisonnable dans son expression. Plusieurs belles campagnes de publicité récentes montrent que le talent permet toujours d’y parvenir, et plusieurs dirigeants ont également réussi au cours des dernières mois à trouver le ton juste pour « embarquer » leurs parties prenantes, notamment leur interne, sans que leur expression apparaisse orthogonale aux réalités du moment. 

Question de preuves ensuite. Vous nous dites que vous êtes un peu, moyennement, profondément optimiste, dites-nous pourquoi. Quels chiffres, quels projets, quelles tendances viennent corroborer votre conviction. Agiter l’étendard ne suffira pas. 

Question de détermination enfin. A nous d’expliquer les actions que vous menez, dirigeants ou marques, pour rendre cet espoir atteignable. On connait la citation du philosophe : « Le pessimisme est d'humeur, l'optimisme est de volonté ».

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