On se gèle dans les data warehouses, ces funérariums numériques où des kilomètres de racks alignés digèrent nos données dans un silence glaçant. Les data détestent la chaleur ! La pub, elle, au contraire, aime le chaud. Elle aime le chant des cigales et l’odeur de la garrigue. La pub est fille du Sud, là où le mistral balaye les mauvaises idées, là où la musique fait chanter le monde, là où les filles dansent la sévillane !
Aujourd’hui, dans le secteur de la communication, le froid a rendez-vous avec le chaud, et on sait déjà que ça ne va pas bien se passer ! Pourquoi ? Parce que la cigale a chanté tout l’été des Trente Glorieuses. Parce qu’en structurant les groupes de communication, les Américains, en bons adeptes du « let’s focus », ont précarisé les disciplines de la communication en les fragmentant. Parce que, enfin, viscéralement, les gens de la communication n’aiment pas le vent coulis qui s’échappe des chambres froides. Ils savent trop bien que les idées sont fragiles et que le froid des data peut les tuer !
Mais la tech attaque. Elle est là, et il faut agir ! Comme toujours en temps de péril, il y a ceux qui restent et ceux qui partent, ceux qui collaborent et ceux qui résistent.
Différentes alliances
Dans tous les cas, il faut bâtir des stratégies d’alliés et chercher à construire les fameuses convergences. Il y a celle dans laquelle beaucoup se précipitent, celle qui consiste à tendre la main aux citoyens des plateformes, serviteurs de ces « formes plates », du 0 et du 1. Cette convergence-là est tentante, même si les agences en connaissent les dangers : choc de cultures, chute de créativité (chaud + froid = tiède), avance irrattrapable, décalage de puissance et de taille…
Et puis il y a une autre convergence. Celle dont on parle moins, celle qui peut encore unir les habitants des pays de la création. Les groupes de luxe tels Kering, LVMH, Hermès n’ont-ils pas démontré qu’une stratégie fondée sur la créativité et l’excellence offrait des retours sur
investissement qui n’avaient rien à envier aux GAFA ?
Cette autre convergence consiste à réunir les deux disciplines stratégiques séparées depuis trop longtemps dans nos métiers : la publicité et le brand design. Cette union sacrée permettrait de répondre à trois attentes clés du marché. D’abord, une meilleure conjugaison des temps. Temps longs de l’identité et des stratégies de marque se mêlant aux temps courts des opérations publicitaires digitales à fort engagement. Ensuite, une expérience sans couture, la publicité et le digital trouvant enfin dans l’architecture et les lieux physiques des espaces d’expérience et d’interaction crédibilisant les messages. Enfin, une responsabilité élargie, plaçant la défense des points de vue socio-économiques sur l’accessibilité aux biens de consommation, la production d’objets ou de signes comme une pratique sociale au premier rang des préoccupations.
Façonner la tech
Brand design, architecture, publicité, tous unis sur le terrain de la proximité et de la singularité à l’heure où la vision impérialiste des grandes marques se heurte aux cultures locales en attente de spécificité. La tech ne devra pas bien sûr être absente de cette convergence des luttes. Le Sud est cool, il lui revient alors de façonner une tech guidée par ses propres valeurs : la créativité, l’expérience client, l’entrepreneuriat et le pragmatisme. Bref, une tech plus Apple que Microsoft, plus Tesla qu’IBM…
Le printemps est là. Nos métiers de cigales ont toutes leurs chances, à condition de ne pas se tromper de convergence. On ne fera jamais rêver les jeunes pros de la communication en leur faisant miroiter des destins technologiques contre-nature. Il reste peu de temps pour bâtir et proposer de nouveaux modèles qui rendent cette autre convergence tangible. Si on parvient à le faire, j’entends d’ici les clients (qui n’ont jamais perdu le sud) s’exclamer avé l’assent : « P. ça fait chaud au cœur ! »