Définie comme l’ensemble des techniques destinées à réduire la durée de vie ou d’utilisation d’un produit afin d’en augmenter le taux de remplacement, l’obsolescence programmée n'a jamais été autant en question. Elle a même fait l’objet d’une interdiction légale dans le cadre de la loi sur la transition énergétique qui a été adoptée définitivement l’été dernier. En cas d’infraction constatée, l’Assemblée nationale a prévu deux ans d’emprisonnement et une amende de 300 000 euros. Le montant pourrait être même être porté à 5% du chiffre d’affaires annuel réalisée en France par la société incriminée. Le sujet n’est donc désormais pas pris à la légère. Et pourtant, lorsqu’on lit le texte, il y a de quoi s’interroger, notamment si l’on l’applique aux produits technologiques-connectés.
La loi précise différents types d’obsolescences programmées répréhensibles. Le plus évident est celui de l’obsolescence par défaut fonctionnel. Le produit est programmé pour se déclarer en panne dès lors qu’il atteint une durée d’utilisation définie à l’avance par son constructeur. Ce cas a été avéré pour des ampoules, des machines à laver ou encore pour les tout premiers Ipods. Les batteries des appareils tombaient en panne au bout de dix-huit mois sans possibilité de réparation. Aucune discussion possible ici, cela nous paraît évident à tous.
Cependant, la loi va plus loin et définit d’autres types d’obsolescence, telle l’incompatibilité. Cette dernière est déjà plus discutable. Il paraît ainsi compréhensible qu’à l’issue d’une période donnée un produit hardware ne soit plus supporté par son constructeur. C’est par exemple bien là l’un des écueils connus des montres connectées. L’Apple Watch Hermès ne pourra jamais afficher une durée de vie supérieure à l’une de ses concurrentes mécaniques, d’autant plus s’il s’agit de montres dites de luxe, qui gagnent en valeur plus le temps passe. L’obsolescence due à l’incompatibilité peut aussi être du fait de l’écosystème nécessaire à son fonctionnement. Imaginons qu’un fabricant perde, pour telle ou telle raison, la compatibilité avec un système d’exploitation tiers. Les utilisateurs du système concerné seraient alors dans l’incapacité d’utiliser le produit alors même que celui-ci reste fonctionnel, et le fabricant n’y sera malheureusement pour rien…
Législation déconnectée
Autre type d’obsolescence discutable, celle de l’esthétique. Le système ne nécessite là pas de pratique technique ou technologique mais s’appuie sur la psychologie du consommateur. L’objectif serait alors de le pousser à trouver son objet trop vieux, ou même démodé et, par ce biais, le pousser à le remettre à la mode en le modifiant ou en le renouvelant. L’évolution du design de nos objets serait donc bientôt répréhensible? Difficile à croire et pourtant c’est bien ce que décrit le texte.
Si l’on pousse la réflexion, nous pourrions même envisager légiférer à propos de l’obsolescence d’usage en mettant en question la conception même de l’objet. De nombreux produits connectés sont en effet délaissés après quelques jours ou mois d’utilisation par leurs propriétaires car ils n’en retirent pas un bénéfice d’usage suffisamment grand. C’est le cas par exemple de nombreux drones qui, passé l’euphorie des premiers jours, se retrouvent bien souvent dans le placard. Je ne parle même pas de la contrainte réglementaire qui ne cesse d’évoluer et qui a tendance à «stresser» l’utilisateur, facilitant ainsi leurs abandons… Autre exemple. Les produits dont la conception est trop technique et qui nécessitent une certaine appropriation par le consommateur. Parfois trop complexe, dans leurs usages, ils sont eux aussi, très rapidement mis de côté par leurs utilisateurs.
Légiférer à propos de l’obsolescence programmée semble être une ambition accessible et honorable. Cependant, comme il en a pris l’habitude, le législateur semble avoir adopté une loi dont la mise en œuvre réelle est loin d’être simple, car complètement déconnectée de la réalité technologique et des usages d’aujourd’hui.