Les Jeux olympiques et paralympiques ont été un véritable succès. Un rêve inattendu, un bonheur presque irréel pour les Parisiens, qui s’est transformé en fierté nationale. Et les choix esthétiques y sont pour beaucoup.

Trop souvent, dans les événements sportifs, on tombe dans la «fête à neuneu». On sacrifie l’esthétique sous prétexte de popularité, et ça devient le «festival du moche», le barnum des images comme des lieux communs. Pourtant, le sport, c’est beau. La beauté d’un geste, d’une foulée, d’une coulée, d’un dribble et de la passe bien sûr, l’esthétique de la belle tactique ou de la stratégie engagée. Au VIIIe siècle avant Jésus-Christ, les Grecs l’avaient compris : le sport, c’est une esthétique totale, du corps, comme de la tenue, du stade, des symboles, en passant par la flamme. Ah ces Grecs ; la philosophie, la démocratie, l’Olympisme, les mythes, et bien sûr le culte de la beauté, ils ont tout inventé ou du moins l’essentiel pour rêver.

Et cette fois, lors de ces Jeux, pour la première fois peut-être, l’esthétique a été pensée dans les moindres détails avec une cohérence absolue. Les marques de sport le savent depuis belle lurette : le sport est technique, donc forcément esthétique. Nike a son identité visuelle, Adidas la sienne, et nos belles marques françaises comme Le Coq Sportif ou Salomon ont su créer la leur. On parle ici d’une esthétique globale : de la semelle aux lacets, du packaging au display, du magasin au site web, en passant par la publicité et les événements. Une esthétique qui nous fait croire, avec nos nouvelles baskets, que nous allons courir plus vite, ou que notre prochain virage avec nos nouveaux skis sera plus élégant. Le beau emporte tout, il sublime, il transcende, et rend même les efforts plus légers. Soyons honnêtes, si on participe, c’est pour gagner, et sans esthétique, on est perdant d’avance.

Ces Jeux ont été marquants parce qu’ils ont été pensés comme une marque, avec une esthétique originale et assumée, dans l’esprit «champagne» de Paris. Notre capitale, bien au-delà des clichés de la Tour Eiffel, a toujours affiché une plastique forte. Quelle belle idée d’avoir organisé les épreuves au cœur du «beau Paris» : le Grand Palais, la place de la Concorde, l’esplanade des Invalides, le Trocadéro, la Butte Montmartre ou dans les jardins de Versailles… Chaque image était ainsi assurée d’être à la fois belle et unique. Et que dire de ce défilé sur la Seine, sous les ponts d’un Paris royal, où chaque coin semblait être un hommage aux amoureux et aux poètes. Une idée ne vaut que si elle est bien réalisée, et ici, tout a été fluidité, surprises, beautés et voluptés. Un défilé pétillant qui restera imprimé dans nos mémoires.

«La laideur se vend mal», comme disait mon premier patron Raymond Loewy. L'esthétique emporte tout, même les grincheux. Elle sublime, crée du désir et suscite l'envie d’être de la fête. Cette esthétique des Jeux a été lancée par le premier signe qui compte : le logo. Je peux le dire : notre agence avait concouru et perdu… Pourtant, ce logo est tout simplement parfait. Une vraie et belle idée avec cette femme-flamme, le tout dans un rond, en harmonie avec les cinq anneaux des Jeux olympiques. À la fois moderne, riche de sens, et terriblement différent des créations moins réussies de Londres, Rio et Tokyo. 

Une expérience visuelle totale

Et puis il y a ces marqueurs de la marque, ces gestes d’exagération qui créent des souvenirs : la vasque-montgolfière, le piano flottant, la cape sans fin de la chanteuse, la piste d'athlétisme violette... Même la signalétique, les tribunes, les podiums et les stades éphémères étaient bien dessinés. Comme le disait Ludwig Mies van der Rohe, «Dieu est dans les détails». Et ici, nous avons été régalés.

Parlons d’un détail : la tenue des athlètes français. Exit le bleu vif ou bleu de chauffe. À la place, un blanc pur, symbole de discrétion et d’élégance, pour représenter le pays hôte. Et puis cette petite pression au poignet et au bas du pantalon, le marquage tout en courbes tendues formant un pont entre les deux rives du mot «France», le logo en forme de flamme pour rehausser l'image, une coupe impeccable et, je n'en doute pas, une matière de qualité, peut-être du coton égyptien ? Autre nouveauté des Jeux de Paris : ces trois coups donnés avant chaque épreuve, comme au théâtre.

Ce souci du détail, cette cohérence, on la doit à l’équipe artistique, qui a su transformer cet événement en une expérience visuelle totale, à l’image des grandes marques comme Louis Vuitton ou les Galeries Lafayette. Bravo à Thierry Reboul et Thomas Jolly : ce duo nous a fait vivre un moment suspendu. L’un a eu l'idée du spectacle au cœur de Paris, l'autre l'a sublimée. Bravo aussi à celles et ceux qui ont travaillé sur scène comme en coulisses.

Le beau a fait taire les critiques

Au-delà des choix esthétiques, ce sont aussi les petites attentions et les attitudes qui ont transcendé les frontières : le crieur perché sur sa chaise haute avec son porte-voix, les pas de danse des balayeurs et des policiers, le DJ apaisant les tensions lors d'un match de beach-volley avec Imagine de John Lennon, ou encore la ola silencieuse, née spontanément lors d'un match de cécifoot… Le design sonore était également excellent pour faire vibrer tout le monde, du prolo au bobo. Sans oublier Pierre-Louis, l’un de nos talents chez Saguez & Partners, devenu porte-drapeau lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques. Oui, c'était bien lui, tout sourire, juste derrière la cavalière masquée. Les volontaires ont incarné l’esprit de cette fête, devenant eux-mêmes les nouvelles mascottes. Leurs tenues, désormais objets de désir revendus à prix d’or sur Vinted, montrent l’impact et l’engagement de l’événement.

La culture française, portée par Paris, a rencontré les sports du monde, les associant de manière joyeuse et sous le signe de l'excellence. Le beau a fait taire les critiques. Il a transcendé les tracas : embouteillages, files d’attente, chaleur, pluie, et même les prix des billets ou le manque de place. L’esthétique poussée à l’extrême a suscité un enthousiasme contagieux et un désir irrésistible de faire partie de ces Jeux. À l'inverse, si l'écologie peine à susciter l'engouement des Français (selon une étude Ipsos), c'est probablement parce qu'elle est souvent présentée de manière punitive, peu attrayante ou comme une contrainte. Les dernières campagnes européennes – tracts, affiches, meetings, logos, images, sons – ont été marquées par l'ennui et une esthétique peu engageante. L'esthétique, lorsqu'elle est positive et joyeuse, crée le désir, nous sublime et nous fédère.

Nos Jeux olympiques et paralympiques l’ont démontré : Paris est redevenu Paris.

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