Plutôt que de renoncer à son partenariat avec le club de foot, le groupe de spiritueux aurait pu «surfer» sur le buzz en jouant la carte de l'humour.
Forcément, quand Pernod Ricard annonce sans explication un partenariat avec le Paris Saint-Germain, ça se passe mal. Pour les Marseillais, c’est une trahison, un appel au boycott immédiat. Ce qui ne devait être qu’un mauvais buzz éphémère s’est transformé en polémique sur les réseaux sociaux. À tel point que le groupe de spiritueux a dû renoncer à son partenariat. Un échec business en partie, victime d’une communication mal maîtrisée et subie. Mais comment Pernod-Ricard aurait-il pu s’éviter un tel rétropédalage ?
Mieux analyser la situation
En début de buzz, les indicateurs sont décisifs pour mesurer l’ampleur d’une situation et étudier calmement la capacité de réaction. Il faut observer : profils des émetteurs de messages, modes d’expression, volumétrie, engagement, propagation. Ici, on pouvait entre autres observer une volumétrie d’environ 30 000 messages sur la séquence (entre l’annonce du partenariat et le renoncement trois jours plus tard) et plus d’un million d’interactions (likes, partage, commentaires, vues).
Les premières réactions émergent le 2 septembre et demeurent faibles, même si des internautes marseillais s’insurgent et s’indignent. Le hashtag #boycottpernordricard prend de l’ampleur mais reste circonscrit aux sphères marseillaises sur X (ex-Twitter). À ce stade, c’est encore un buzz, certes négatif, mais encore parfaitement gérable. Il ne faut donc pas (sur)réagir pour le moment.
Éviter de se justifier et ne pas surréagir
Cependant, face à l’augmentation des volumes et des réactions, le buzz bascule dans une dimension plus complexe : la polémique. Les médias s’en mêlent, les politiques aussi (le cas de Benoit Payan, maire de Marseille, qui demande des explications). Lorsque Pernod Ricard se justifie dans La Provence dès le 3 septembre, la bataille réputationnelle est déjà presque perdue. Une opération louable en soi mais qui enfonce le clou.
Cette approche dessert la marque et s’avère contre-productive car elle est perçue comme une justification et active la polémique. On le sait, une explication est toujours utile, une justification jamais. Le message exprimé (ce partenariat ne concerne ni le Ricard ni la France, c’est exclusivement pour l’international, nous sommes historiquement liés à l’OM) ne passe pas, il est mal compris et rejeté par l’opinion.
La perception de justification donne l’impression d’être sur la défensive, ce qui ne permet en rien de retourner l’opinion en votre faveur, voire, dans la plupart des cas, cela peut aggraver la situation. Le point de clôture de cet épisode étant la décision de renoncer au partenariat sous la pression populaire marseillaise. C’est une double défaite, à la fois business et dans l’opinion. Une surréaction aux airs de rétropédalage qui sent trop la culpabilité et l’absence de recul. Pernod-Ricard 0-1 Marseille.
Jouer la carte de l’humour
Dans une telle situation, l’approche la plus adaptée n’est pas évidente et pourtant elle est simple : l’humour. Au lieu de se confondre en explication technique et business, il faut contre-attaquer là où la crise se propage. Prendre le pli inverse et «surfer» sur le buzz. L’attention est captée, il faut miser dessus.
Les Marseillais se moquent des détails du contrat, ils sont émotionnellement affectés. C’est une histoire de foot, de cœur. Savoir que Pernod Ricard est historiquement lié à l’OM ne vient pas répondre à la trahison ressentie, elle vient même ajouter de l’incompréhension. Si tu m’aimes autant pourquoi être parti chez un autre ?
Le récit à installer pour éviter la polémique aurait pu être, en utilisant le deuxième degré pour mettre les rieurs de son côté : «Pernod-Ricard prend la Capitale d’assaut et s’infiltre au PSG. La victoire de l’OM est proche», «Les Marseillais dans les loges des Parisiens, Paris nous voilà !», «Les produits marseillais sont tellement bons que le PSG n’a pu y résister et a fini par les accueillir dans les loges !»... Le choix des expressions était large sur un registre décalé ! Mais pour que cette approche fonctionne, il faut réagir vite. Nombre de community managers le savent : humour et rapidité de réactions sont une clé pour désamorcer les polémiques et endiguer les bad buzz.
De cette histoire nous pouvons retenir trois choses. La première : il faut toujours analyser calmement en s’appuyant sur des données factuelles pour bien comprendre la situation et décider de la stratégie à adopter en connaissance. La deuxième : la justification est toujours perçue comme un aveu de culpabilité, contrairement à une explication claire et assumée. La troisième : la stratégie la plus évidente et classique n’est pas forcément la bonne, parfois il faut contre-attaquer avec une forme de décalage.