Alors que notre démocratie est mise à mal par un exécutif qui peine à rassurer sur sa réelle représentativité ou sa capacité à gouverner, le monde économique a un rôle à jouer dans les transformations à venir.
Beaucoup a été dit et écrit, depuis le résultat des élections législatives, sur les forces et faiblesses de nos institutions, sur leur capacité à fonctionner avec un gouvernement sans assise et une assemblée explosive, et sur les risques, dans ce contexte, d’en revenir à une instabilité politique dont les constituants de 1958 voulaient justement se prémunir après l’expérience de la IVe République. Cette situation ne laisse pas indifférentes des forces vives qui dans la société ont besoin de lisibilité et de stabilité : entreprises, associations, organisations professionnelles… Elles se questionnent, souvent avec leurs conseils, sur les incidences de cette nouvelle donne institutionnelle, encore brumeuse, et sur la stratégie qu’elles devront adopter pour défendre leurs enjeux.
Toutes ces questions démontrent, s’il en était besoin, que l’ensemble du monde économique et social est attentif au contexte politique, dont il dépend à bien des titres. Si ces forces vives contribuent à éclairer la décision publique, à nourrir élus et administrations de leurs pratiques et de leur confrontation au réel, la question de leur légitimité à prendre part aux grands débats persiste. Le soupçon d’opacité qui pèse sur l’influence qu’elles auraient et sur l’intégrité de leurs combats est en effet tenace. Il convient pourtant de le regretter et de ne pas s’y résigner.
D’une part, les règles de transparence et d’éthique imposées par le législateur ces dernières années mais aussi, d’une certaine façon, par les réseaux sociaux et une vigilance citoyenne accrue, n’ont jamais été aussi importantes. D’autre part, les entreprises ne sauraient être déconnectées de la société, de ses délibérations, de ses progrès, de ses transformations positives, et donc de ses débats. Elles assument de plus en plus, et les Français le reconnaissent, d’être au cœur et acteur de grands défis d’intérêt général ; sans méconnaître pour autant les conditions de leur performance sans lesquelles elles ne survivraient pas face à une concurrence mondiale de plus en plus féroce. Elles assument de prendre la parole en ce sens, de communiquer sur leurs engagements et sur l’empowerment qu’elles animent avec l’ensemble de leurs parties prenantes.
Au moment même où notre démocratie est mise à mal par une représentation des plus incertaines, qui peinera à rassurer sur sa réelle représentativité ou sa capacité à gouverner, il faut voir dans le monde économique un garde-fou des plus précieux pour faire ce qu’il a pleine légitimité à faire : expliciter ses contraintes, pointer les aberrations administratives qu’il rencontre, valoriser ses engagements et ses innovations… Isoler encore un peu plus le pouvoir et nos élus du monde réel ferait peser beaucoup d’incertitudes sur la fabrique normative.
Animer un dialogue apolitique
Dans les circonstances exceptionnelles que nous vivons et face aux défis que la France doit gérer, avec une dette publique abyssale et une balance des paiements en berne, les entreprises ont vocation, plus que jamais, à être, pour elles-mêmes comme pour leurs filières et les combats qu’elles portent, de véritables diplomates, capables d’animer un dialogue apolitique qui fait souvent défaut dans le débat. Elles sont légitimes à projeter leurs modèles de développement et de responsabilité au plus haut niveau.
La diplomatie d’entreprise sera essentielle dans l’incertitude qui vient. Les dirigeants qui représentent ce monde économique et social ont intérêt à prendre part à la chose publique en travaillant à l’alignement de leurs intérêts avec ceux de la société et du pays. À l’image de diplomates, ils doivent renforcer leur capacité d’écoute des parties prenantes et jouer un rôle de représentation des compromis qu’ils négocient et qui leur permettront de faire bouger les lignes, de prendre part aux transformations à venir plutôt qu’elles ne s’imposent à eux sous une forme qui ne servirait ni leurs intérêts, ni ceux de la France.