A quelques jours du second tour des élections législatives, il est important d'avoir en tête que notre vision de la démocratie est assiégée par l’IA et la data. D'où l'importance d'avoir des outils transparents et équitables.
Entre les deux tours de cette élection législative, il est crucial de considérer l'impact de l'IA et des données via les médias sociaux sur nos processus électoraux. La collecte et l'analyse de données influencent en effet profondément nos élections malgré les gardes fous du code électoral français. L'IA prédit les choix électoraux en ciblant précisément les électeurs indécis, tandis que les réseaux sociaux diffusent des contenus politiques sans régulation, accentuant les divisions et l'inégalité du temps de parole entre les candidats.
L’IA est un outil de prédiction politique utilisé pour anticiper nos préférences d’achat, nos relations, voire même nos choix électoraux. Partis politiques et entreprises spécialisées exploitent depuis plus de quinze ans d'énormes quantités de données pour anticiper les résultats électoraux. Aux États-Unis, les données utilisées pour prédire le vote vont bien au-delà des informations politiques. Nos choix de consommation, qu'il s'agisse des marques d'alcool aux vêtements que nous portons, révèlent beaucoup sur notre orientation politique, souvent mieux que les sondages traditionnels.
En France, malgré l'interdiction du ciblage publicitaire pendant les périodes de campagne électorale, y compris sur les plateformes des réseaux sociaux, des techniques similaires sont utilisées pour analyser les résultats des élections passées et influencer les intentions de vote. Cette situation crée un déséquilibre où les partis disposent d'une multitude d'informations sur les électeurs : leurs préférences, sujets sensibles, réactions attendues, et même leur propension à changer d'avis. Cela leur permet de diffuser des messages extrêmement personnalisés, parfois de manière trompeuse selon l'audience, sans que les électeurs ne soupçonnent l'étendue de cette manipulation psychologique.
De nombreux messages politiques sur les réseaux sociaux proviennent de faux comptes «neutres» contrôlés par des partis politiques, une pratique appelée astroturfing. Les partis créent des vidéos contradictoires en utilisant les posts et données des individus : une vidéo critique un parti pour son opposition au blocage des prix en insinuant une corruption, tandis qu’une autre critique le blocage des prix comme une erreur économique, visant à influencer les électeurs selon leurs opinions sans qu'ils le sachent.
Comment garantir que chacun puisse analyser de manière rationnelle les messages reçus pour se forger un avis éclairé ? La transparence est cruciale : si nos comportements sont exploités pour prédire nos votes et influencer les campagnes électorales, les citoyens devraient avoir accès à cette information ainsi qu’à leur profil politique utilisé par l’algorithme. Savoir comment les algorithmes nous perçoivent permet une réflexion sur nos choix et convictions ainsi qu’un meilleur déchiffrage des messages que l’on reçoit.
Liker et commenter oui, mais pas au prix de la pluralité
Les algorithmes des réseaux sociaux favorisent les contenus populaires, créant une visibilité inégale des candidats en période électorale. Cela compromet la pluralité, essentielle à toute démocratie. Alors que les chaînes de télévision doivent donner un temps égal à chaque candidat, la même logique ne s’applique pas aux réseaux sociaux. Nous devons imposer qu'en période électorale, chaque candidat ait la même exposition sur les réseaux sociaux. Nous pouvons même construire un système où la personnalisation des réseaux sociaux sert la démocratie, en engageant les citoyens.
Imaginez une démocratie où algorithmes et médias traditionnels assurent une véritable pluralité de l’information. En période électorale, chaque électeur recevrait une compilation personnalisée des propositions des candidats sur les sujets qui l’intéresse, similaire à un «Wrap» de Spotify, pour une réflexion éclairée. Le visionnage de ce contenu pourrait être une condition pour continuer à utiliser les plateformes comme YouTube ou TikTok.
Ne pourrait-on pas consacrer 30 minutes à l'information politique pendant les élections pour protéger notre démocratie, quand on passe plus de deux heures par jour sur les réseaux sociaux ? Ceci est un appel à une réflexion collective…
L’IA et nos données ont un rôle puissant à jouer dans notre processus démocratique. Les outils prédictifs doivent être transparents et équitables, avec une régulation des réseaux sociaux pour assurer une représentation juste des candidats. Je crois que l'introspection numérique est cruciale pour une démocratie informée et juste. Si nous régulons le temps de parole à la télévision, pourquoi ne pas faire de même pour les algorithmes en ligne afin d'assurer une égalité d'expression ? Utilisons l'IA pour diversifier les contenus politiques et rendons ces prédictions accessibles à tous, afin de renforcer notre capacité à faire des choix éclairés et libres.