Comme l'hymne de la Ligue des champions, l'identité sonore d'un événement sportif a des pouvoirs qui peuvent marquer bien plus durablement qu'une identité graphique. Aux marques de s'en saisir.
«The Chaaaaampiooooons !» Il n’ y a pas plus bel hymne de sport que celui de la Ligue des champions. Que l’on soit sur son téléphone, sur son ordinateur, devant sa télévision, seul, en couple ou entre amis, en direct ou en replay, nous avons tous déjà vibré à l’écoute des syntagmes que Tony Britten (le compositeur) a gravés dans l’éternité de l’histoire du sport. «The UEFA Champions League anthem» est simplement l’identité sonore reine dans le milieu du sport, bien que sa composition n’ait pas bougé depuis 1992.
Étrangement, on remarque que dans le milieu du sport, il est très difficile pour certains types d’acteurs de se doter d’une identité sonore qui les caractérise durablement au même titre qu’une signature, qu’un code graphique ou qu’une couleur. Le succès de ces identités sonores (si on peut le considérer sous trois critères : longévité, attribution directe, entrée dans la culture populaire hors cible captive) se retrouve circonscrit à trois typologies d’acteurs dans le milieu du sport : les marques compétitions (internationales et nationales), les grandes marques consumer et les marques médias.
Mais qu’ont ces trois typologies d’acteurs en commun ? Une force de frappe liée à une audience pléthorique ? Une récurrence liée à un calendrier publicitaire ou sportif gage de répétition ? Une audience particulièrement attentive ? Peut-être même tout cela en même temps... Surtout, elles ont à un moment donné regroupé les conditions d’un branding devenu iconique auquel l’identité sonore a largement contribué.
Contrairement à sa jumelle, l’identité graphique, qui «doit» absolument se renouveler de la manière la plus en ligne avec son époque, l’identité sonore peut rester des années sans évoluer. Au mieux, elle peut être reliftée, mais jamais rénovée car cela chamboulerait sûrement les habitudes de sa base client/fan durement acquise. En d’autres termes, on pourrait se poser la question : est-ce qu’une identité sonore doit être la même pour tous les contextes de diffusion, pour tous les listen-points, toutes les cibles et tous les messages ?
Outil au service d’un storytelling unique au cinéma
Si l’on tourne la tête de notre match de foot et que l’on pose les yeux, ou en tout cas que l’on tend l’oreille, sur les identités sonores d’un autre divertissement - le cinéma -, on se rend compte que la manière d’aborder le son est tout à fait antagonique. Si l’on considère un film comme l’une des quintessences même d’un storytelling total (audio, visuel, littéraire), l’exercice branding n’en est donc pas si éloigné. Dans le cinéma, on ne parle guère d’identité sonore, mais plutôt de «bande originale», de BO. En effet, la musique de film, la bande son, est un véritable outil au service d’un storytelling unique et elle n’est jamais négligée.
Lorsque Sergio Leone fait retentir les compositions d’Ennio Morricone lors du tournage d’Il était une fois dans l’Ouest (1968), c’est bien l’exemple que la musique pourrait même inspirer plutôt que simplement accompagner, c’est un outil sensoriel et artistique à part entière. Lorsque John Williams compose la fabuleuse bande originale de Star Wars, il s’attache surtout à dégager des leitmotiv musicaux, qu’il décline ensuite à loisir en fonction des besoins scéniques (changement de rythme, instrumentation...). Au même titre qu’une identité graphique se dote d’une palette de couleurs différentes selon les usages, l’identité sonore devrait pouvoir se décliner à loisir pour davantage de justesse.
Relation spécifique et sensorielle
Cependant, dans le sport, il serait une erreur de penser que l’utilité d’une identité sonore se mesure simplement à son utilisation cosmétique empilée sur un fond de marque reconnu. Il faut ainsi sortir du cadre selon lequel l’identité sonore serait soit un outil d’habillage sonore sans réel potentiel relationnel, soit un jingle au pouvoir de mémorisation mais absolument figé.
Dans le sport en tout cas, nous avons la chance de pouvoir capitaliser sur des ADN prononcés, des émotions décuplées, des enjeux extrapolés… Et même en termes de contextes de diffusion, les stades, les arenas , les courts, les rings sont tant de formidables lieux pour construire une relation spécifique et sensorielle. Celle-ci doit s’articuler autour d’un mantra de modularité pour (ré)concilier la bande originale (l’effet signal de la personnalité de la marque) et le jingle (l’exercice de mémorisation) comme une véritable identité sonore, pilier d’un branding adapté, efficace et pérenne.