Alors que Meta vient d’ouvrir Threads à l’Europe, il est urgent de ne plus abandonner les réseaux sociaux aux seuls géants américains et chinois. Les entrepreneurs du numérique ont plus qu’une carte à jouer : ils ont une responsabilité humaniste sur le sujet.
Sans surprise, 2023 est resté dominé par Facebook (2,9 milliards d’abonnés), YouTube (2,5 milliards) et Instagram (2 milliards), malgré la percée spectaculaire de TikTok. L’Europe reste une zone à fort taux de pénétration des réseaux avec un taux moyen de 81%. S’ils illustrent le problème d’une position dominante des géants en Europe, ces chiffres montrent aussi notre appétence pour les réseaux sociaux.
C’est une réelle opportunité : la montée en puissance de LinkedIn, qui a récemment passé le milliard d’abonnés, et celle de Bluesky sont le signe que si les habitudes des internautes sont ancrées, elles ne sont plus forcément aussi tenaces. De même, l’engouement pour des plateformes initialement réservées aux gamers, comme Twitch et Discord, montre un virage vers des créateurs de contenus qui revendiquent plus d’indépendance.
Autre challenger : le législateur, notamment dans une Europe qui prend au sérieux les questions de souveraineté numérique et de protection des utilisateurs. Les nouveaux acteurs du secteur vont devoir faire des réponses en phase avec ces nouvelles aspirations et tendances.
Le rôle grandissant des micro et des nano-influenceurs
En lien avec les tendances 2024, la fragmentation des audiences, déjà identifiée par Digimind fin 2022, va s'accélérer : les utilisateurs vont d’un réseau à l’autre en fonction de leurs centres d’intérêts et besoin d'interaction/information. Le besoin d’interagir avec des personnes partageant les mêmes centres d’intérêt est élevé, et ils recherchent des influenceurs avec lesquels ils se sentent en confiance.
Les polémiques médiatiques autour des «influvoleurs» ont laissé des traces dans le monde de l'influence et la loi influenceurs, promulguée en France, réduit les excès. Plus que d’influenceurs, il vaut mieux parler aujourd’hui de créateurs de contenus à destination des internautes. X/Twitter a mis en place son abonnement, TikTok rémunère (mal) les plus grands comptes, Facebook va devenir payant : les marques ne sont plus les seules financeuses des plateformes, les utilisateurs deviennent eux-mêmes générateurs de revenus.
Pour des safe places rémunératrices pour les créateurs, et pertinentes pour l’internaute
Pour proposer des contenus de qualité aux internautes, la rémunération des créateurs devient centrale. En les rémunérant correctement tout en fixant un cadre précis, les nouvelles plateformes vont pouvoir créer des espaces apaisés, où tout n’est pas permis, mais où l’information, le partage et la créativité sont favorisés.
En rémunérant favorablement les créateurs de contenus sans lien avec le volume de réactions ou d’interactions, on favorise naturellement la qualité et l’expertise. Il est démontré que les leviers de réaction les plus faciles sont les émotions négatives. Tenter l’expérience de rémunérer indépendamment de ces critères peut être une clé pour limiter les effets délétères des modèles actuels, qui, par leur algorithme et le type de contenu qu’ils favorisent, sont devenus à la fois des dangers pour la santé mentale des internautes, notamment les plus jeunes, mais également pour le lien social en général.
La posture pessimiste consistant à accuser les réseaux sociaux actuels de tous les maux est une option facile. Il est vrai que cette industrie est arrivée à un point de bascule. Plutôt que de souhaiter la mort pure et simple des plateformes, favorisons la construction de nouveaux modèles qui n’aient pas les travers de leurs aînés. Avoir accès à des personnes et des créateurs de contenus du monde entier en ouvrant une application fait aujourd’hui partie de nos vies. Nous ne pouvons plus revenir en arrière. Aussi vaut-il mieux aller de l’avant avec des modèles plus sains et plus respectueux des audiences et des créateurs.