La sortie du film Napoléon de Ridley Scott remet sur le devant de la scène un personnage devenu une référence universelle et inspirante, de part sa stratégie de communication entre autres.
Depuis sa sortie, les débats font rage sur la qualité du film Napoléon de Ridley Scott. Au-delà de ces débats, Napoléon s’impose comme une référence universelle et inspirante, en France mais surtout à l’international. Tout a été écrit sur lui. Ses victoires militaires ont été disséquées et largement enseignées. Son œuvre civil et fondatrice d’un état moderne impressionne et perdure. Ses erreurs continuent de susciter une émotion et des débats légitimes. Bref, Napoléon fascine et demeure une source d’inspiration majeure.
Comment expliquer « l’attraction Napoléon » ? En 2015, dans une interview accordée au Monde, l’académicien Jean-Marie Rouart nous éclaire : « Napoléon, c’est de la quintessence de pouvoir. Quelqu’un qui aspirerait aux plus hautes fonctions sans se pencher sur lui n’aurait rien compris. » Faisons un parallèle rapide. Un communicant qui aspire à accompagner des dirigeants et des entreprises devrait également s’intéresser à la pratique de la communication de l’empereur Napoléon.
Fils de la Révolution française, Napoléon a contribué à inventer la communication moderne. Notre discipline fut l’un des instruments décisifs de son exercice du pouvoir. En effet, l’empereur fut le premier dirigeant à gouverner avec une attention constante de l’opinion publique, constituée des leaders d’opinion instruits et lecteurs de la presse ou des pamphlets. En outre, Napoléon a dû relever le défi de la légitimité puisque la Révolution a balayé mille ans de monarchie de droit divin et généré une grande instabilité politique. La stratégie de communication de Napoléon s’est attachée, en plus de l’orientation de l’opinion publique, à cimenter la légitimité du pouvoir impérial.
De cette pratique, nous pouvons isoler cinq principes inspirants.
Dominer les circonstances
Même à l’autre bout de l’Europe, Napoléon confessait avoir « toujours eu en vue l’opinion de Paris et surtout celle du faubourg Saint-Germain ». Pour cela, il a développé un système de veille de l’opinion composé de capteurs très variés. Charge à son bibliothécaire et son secrétaire de lui communiquer chaque matin une analyse de la presse du jour, française et européenne. Les services de Fouché transmettent tous les jours une synthèse des rumeurs qui animait les salons. Quotidiennement, Napoléon demande le prix du pain à Paris pour anticiper une montée en température des faubourgs et le niveau de la rente afin de mesurer le niveau de confiance des classes possédantes dans sa politique. En parallèle, l’empereur missionna douze interlocuteurs chargés de lui adresser des notes secrètes sur les opinions publiques de chaque parti. Avec ce système de veille, Napoléon est parvenu à prendre le pouls de l’esprit public, mieux capter les tendances et identifier les signaux faibles de crise.
Construire une marque reconnaissable de tous
En excellent communicant, Napoléon a compris l’importance de se doter d’une « marque » reconnaissable avec des « signes » propres. Un bicorne, porté avec les ailes parallèles aux épaules, pour être identifié en quelques secondes sur un portrait, dans la rue ou sur un champs de bataille. Une redingote grise très sobre au milieu du faste des uniformes des Maréchaux pour souligner, par effet de contraste, sa sobriété et sa simplicité. Un « N » en qualité de logo très reconnaissable. La main dans le gilet ou le recours à des références connues de tous, telles que l’aigle en résonance avec l’empire romain ou encore l’abeille en clin d’œil à la dynastie mérovingienne.
Prendre le contrôle du récit
Dès ses premières batailles, le général Bonaparte a communiqué comme il a fait la guerre. Sa stratégie a consisté de prendre tout le monde de vitesse. Alors que les blessés sont encore pris en charge par les chirurgiens, Napoléon dicte sur le champ de bataille ses Bulletins de la Grande Armée. Ces « communiqué de guerre » fixent, pour l’éternité, le récit des opérations militaires. L’empereur distribue les bons points, se met en scène au cœur de la bataille, ridiculise les ennemis pour « épuiser » l’effort de guerre des belligérants et délivre des messages pour la postérité. En tant que véritable directeur de la publication, Napoléon a également une attention sur la diffusion et l’audience de son média. Les Bulletins sont, ainsi, affichés dans les rues, annoncés dans les campagnes précédés d’un tambour, lus par les professeurs, les maires ou les prêtres durant l’office religieux.
Donner un visage au pouvoir en mobilisant les meilleurs créatifs
Le poids des mots. Le choc des tableaux. Dès 1796, alors auréolé de quelques succès, le peintre Antoine-Jean Gros réalise un portrait de Napoléon immortalisant la traversée du pont d’Arcole. Ce tableau est le premier d’une très longue série. Avec l’appui de Dominique-Vivant Denon, baptisé « l’œil de Napoléon » et véritable directeur de création, l’empereur devient le mécène des principaux artistes. Il mobilise un véritable bataillon d’artistes pour prolonger ses exploits militaires et politiques. Le pinceau va se mettre au service de l’épée. Alors que la Révolution s’est accompagnée d’un véritable processus de désincarnation, Napoléon va s’employer à diffuser son portrait partout sous la forme de pièces de monnaie, médailles, gravures, estampes, tabatières, bustes sculptés et bien sûr œuvres majestueuses.
Développer un lien direct avec l’opinion publique
Aux côtés des peintres, Napoléon a employé des journalistes et des gens de lettres pour produire des articles et des pamphlets visant à donner le « la » aux leaders d’opinion. Quotidiennement, via le Moniteur, journal officiel du régime, Napoléon va donner ses vues sur les événements, préparer l’opinion publique, justifier la guerre, répondre aux rumeurs... Tous les soirs, Napoléon dictait des articles à paraître le lendemain, validait le chemin de fer et donnait ses directives.
Durant quinze ans, Napoléon a façonné une image, qui continue de rayonner aujourd’hui grâce à une stratégie de communication innovante et inspirante.