Pour y imposer leur style et leurs idées, les dirigeants doivent garder un rapport distancié aux médias sociaux, loin des effets de mode et de la tentation de parler de tout. Annonceurs et agences conseil ont un rôle à jouer.
Nous le constatons tous chaque jour : les médias sociaux favorisent l’outrance. Sur LinkedIn par exemple, l’algorithme « surveille » chaque post pendant une heure environ : s’il génère de l’engagement, alors il en déduit que le contenu est pertinent, et en augmente l’exposition. Or comment créer de l’engagement immédiat ? Certainement pas en étant consensuel. C’est la recette de certains influenceurs : cliver, provoquer, storyteller leur contenu au maximum, quitte à le rendre indigeste. L’objectif : provoquer des réactions, même négatives. Car à la fin, seule la visibilité compte, puisque c’est elle qui se monétise. Cette méthode fonctionne, nos « timelines » en sont truffées d’exemples.
La tentation de singer les codes de l’influence peut donc être forte pour un dirigeant ou une direction de la communication. Les promesses sont nombreuses : engagement, modernité, conversation. Mais pour les dirigeants, le storytelling excessif et les positions caricaturales sont impossibles : les enjeux sont complexes, parfois contradictoires. La réalité à laquelle ils sont confrontés quotidiennement est le plus souvent faite de compromis, loin des postures de chevalier blanc, si rémunératrices en « likes » mais parfois si déconnectées du réel. Dès lors, le rapport que les dirigeants devraient entretenir avec leur pratique du « thought leadership » sur les réseaux tient en un mot : résister.
Résister à la tentation de se faire passer pour ce qu’on n’est pas. Un dirigeant du CAC40 n’est pas un patron de start-up, un patron de start-up n’est pas un influenceur, un politique n’est pas un tiktokeur. Il faut trouver son « persona » et jouer son propre rôle.
Résister à la tentation de vouloir parler de tout. Seule une poignée de thématiques intéresse vraiment ses communautés, et ce ne sont pas toujours celles que l’on souhaiterait. Il faut identifier les trois à quatre sujets dont ses communautés parlent, et se concentrer sur ceux-ci, quitte à s’affranchir du sacro-saint « 2 à 3 posts par semaine ».
Résister à la tentation de « sécuriser » ses posts. La survalidation est l’ennemie de l’authenticité. Il faut faire entendre son opinion et s’exprimer avec ses mots. Les plateformes sont truffées de contenus qui, à force de lissages successifs, ont perdu toute substance.
Résister à la tentation de vouloir plaire à tout le monde. Les communautés ne sont pas monolithiques. Des divergences de points de vue, des critiques, parfois vertement formulées, existeront toujours. Il faut prendre le temps de la cartographie précise de sa communauté pour en connaître les différents ensembles et se concentrer sur ceux à qui il est stratégique de s’adresser.
Résister à la tentation de la radicalité. La vie du dirigeant est faite d’équilibres, parfois précaires. Le thought leadership de dirigeant implique d’embrasser cette complexité et d’avoir « le courage de la nuance », selon l'expression de Jean Birnbaum. Il faut exprimer cette nuance, peu importe qu’elle soit moins virale. LinkedIn, par exemple, est une des plateformes qui en offre encore la possibilité.
Résister à la tyrannie du quantitatif. Reach, taux d’engagement, fréquence de publication… Ces métriques sont le fond de commerce des plateformes et une boussole pour les communicants mais elles ne sont pas l’alpha et l’oméga d’une « bonne communication », celle qui forge une perception dans la durée.
Cette nécessaire résistance n’incombe pas au seul dirigeant. Nous autres, cabinets et agences, avons un rôle à jouer. Une stratégie digitale réellement engageante est sans doute celle qui aide le dirigeant à s’affranchir du court terme et des effets de mode pour proposer une vision du monde, des idées et un style de leadership.