Le journal Libération, qui fêtera ses 50 ans l’année prochaine a opéré un virage éditorial et numérique salvateur et fulgurant. Les lecteurs et les abonnés numériques sont au rendez-vous, ce qui vaut au journal le prix de la rédaction de l'éditeur de l'année.
Les progressions se font toujours par l’escalier et les chutes par l’ascenseur. Libération fait mentir l’adage préféré des spécialistes médias. En 2021, le journal créé par Jean-Paul Sartre et Serge July affiche une progression de 18,47 % en Diffusion France Payée avec 90 354 exemplaires vendus chaque jour en moyenne dont 60 000 abonnements numériques. Soit la plus forte progression de tous les titres de la presse quotidienne. Et l’ascension, nourrie par une forte dose de journalisme, se poursuit. En mars, le quotidien s’est vendu à 93 431 exemplaires. De quoi ravir son éditeur et cogérant, Denis Olivennes : « Libération avait connu une chute continue de sa diffusion, des problèmes financiers conséquents et des crises d’actionnariats successives. Elles se sont stabilisées avec la décision de Patrick Drahi de transférer le titre dans un fonds de dotation ». Les résultats financiers s’améliorent. En 2020, le journal perdait 12 millions d’euros, 8 millions en 2021. « Le journal est sur un chemin qui lui permet d’aller à l’équilibre », poursuit l’éditeur.
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Pour se redresser, Libé a opéré une révolution journalistique et numérique. Éditoriale, tout d’abord avec le recrutement de Dov Alfon, un directeur de la rédaction venu du quotidien israélien Haaretz. Journaliste d’investigation primé, il y a opéré une restructuration de la rédaction et une transition numérique. Nommé en septembre 2020, il fait de même à Libération. Il repense le journal, trop fouillis, multipliant les doubles pages, plus lisibles. Et il réorganise la rédaction. Il crée une cellule Actu, pour couvrir les sujets chauds, et il renforce le service Enquête, qui multiplie les scoops. Citons ceux sur la vie rude dans quelques célèbres cabinets d’avocats et sur les huit femmes dont six qui ont témoigné à visage découvert contre Patrick Poivre d’Arvor pour des faits de viols, d’abus ou de harcèlement sexuels. Il développe aussi les reportages de proximité et les billets d’opinion. La rédaction augmente son effectif de 10 %, avec 20 journalistes en renfort. « Il est 100 % journaliste et très féru de numérique donc il est bilingue en quelque sorte », salue Denis Olivennes, convaincu par sa recrue.
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Libé, c'est aussi une révolution digitale. « Comme le disait Jeff Bezos aux journalistes du Washington Post, la clé du succès dans la stratégie d’abonnement numérique, c’est d’être le premier. Et il faut que je vous offre les outils pour l’être », souligne l’éditeur qui a acquis le logiciel Arc Publishing du quotidien américain. Il permet de produire davantage de contenus et notamment sur le numérique, qui a la primeur des articles du journal. « Nous avons aussi largement développé notre équipe marketing d’abonnements, qui pousse nos offres, nos contenus et notamment les enquêtes qui sont source de recrutement. On médite là aussi la recette du Washington Post : un scoop par jour et une offre commerciale par heure ». « On s’est donné deux slogans, résume Denis Olivennes. En 2020, c'était “Libé doit avoir l’audience de sa notoriété”. Et maintenant, nous passons à “Ce qui est déjà dans Libé est remarquable. Ce qui n’y est pas encore va nous rendre incontournable” ».