Après des mois de négociations, DAZN et beIN Sports se partagent les droits TV de la Ligue 1 pour près de 500 millions d’euros par saison, loin des attentes de la LFP. Cette décision marque un retour au point de départ avec une enveloppe financière inférieure aux prévisions, suscitant des critiques sur la gestion et les ambitions de la ligue française de football.
Au bout d’interminables négociations, le duo DAZN-beIN Sports va se partager la diffusion des matches de la Ligue 1 pour près de 500 millions d’euros par saison, « un gros échec » pour la LFP qui a réussi « à sauver les meubles » en acceptant un montant bien en dessous de ses espérances, analysent deux experts.
À un mois du début de la saison 2024-25, la LFP a fait le choix d’une répartition des rencontres entre DAZN, nouvel acteur dans l’écosystème du football français, et la chaîne qatarienne. Pour les deux prochaines saisons au moins, DAZN devrait diffuser huit des neuf rencontres de chacune des 34 journées du championnat pour 400 millions d’euros, l’affiche de chaque journée revenant à beIN pour 100 millions d’euros.
« En choisissant DAZN, c’est retour à la case départ. Il aura fallu plus de huit mois pour revenir à la solution de départ avec une enveloppe moindre que celle prévue », analyse pour l’AFP Philippe Bailly, président de l’agence de marketing sportif NPA Conseil.
En plus de ces 500 millions sur les droits nationaux de la Ligue 1, le football français percevra aussi 160 millions annuels obtenus pour les droits à l’international, plus les 40 millions des droits de la Ligue 2, soit un total de 700 millions d’euros annuels, loin du milliard annoncé en octobre par le président de la Ligue, Vincent Labrune.
Labrune « doit en tirer les conséquences »
« Du point de vue des négociations et des ambitions, c’est un gros échec, on est très loin », poursuit Philippe Bailly, qui estime que la « crédibilité de Vincent Labrune est entachée ». « Il doit en tirer les conséquences », insiste-t-il.
Christophe Lepetit, chercheur au Centre de droit et d’économie du sport de Limoges (CDES), estime pareillement que « la LFP et sa filiale commerciale n’atteignent pas les objectifs initiaux, autour de 700 millions d’euros de droits domestiques et 200 millions de droits internationaux, soit 900 millions au total » à cause, selon lui, de « la position de négociation et du timing qui étaient clairement défavorables à la LFP ».
Autre point critiqué, le prix des abonnements : plus de 30 euros par mois pour DAZN et 15 euros par mois pour BeIN. « Le prix d’abonnement pour DAZN semble très cher, plus cher que l’actuel abonnement d’Amazon (14,99 euros par mois en plus de l’abonnement de 6,99 euros mensuel à Prime Video, NDLR), ce qui pose question sur le nombre d’abonnés limité et sur l’équilibre économique possible pour la plateforme », explique Philippe Bailly.
À court terme, analyse Christophe Lepetit, cet accord « sauve les meubles avec de la trésorerie qui va rentrer tout de suite ». Mais « à long terme, il faut probablement tirer les enseignements de cette crise pour aller vers un autre format avec la chaîne 100 % Ligue 1 et de l’auto-distribution et des accords de distribution avec les acteurs du marché », ajoute cet économiste du sport.
Au cours des négociations, la Ligue avait développé un plan B passant par la création d’une chaîne 100 % Ligue 1 produite directement par la LFP. Projet écarté dimanche par les présidents des clubs de Ligue 1 réunis avant un conseil d’administration de la LFP. « Une chaîne LFP - surtout créée en quelques semaines et sans revenus garantis - aurait été catastrophique pour les petits clubs », a expliqué à l’AFP une source proche des négociations.
« Je suis un président inquiet »
« Je pense que ce projet n’a pas été retenu aujourd’hui mais qu’il n’est pas écarté pour autant. La LFP et sa filiale commerciale ont la possibilité de l’affiner et de le lancer dans des conditions plus porteuses d’ici quelque temps », estime Christophe Lepetit. Pour ce dernier, ces négociations de gré à gré se sont déroulées « avec une concurrence extrêmement réduite » - notamment à cause de l’absence de Canal + -, ce qui ne constitue pas le meilleur moyen pour faire « monter la valeur des droits ».
Plusieurs présidents de clubs de L1 ont d'ailleurs poussé la LFP à lancer un audit. « Un audit de tous les postes de charges de la LFP et LFP Media a été confié à plusieurs présidents car il s'avère que malheureusement les résultats ne sont pas au niveau des investissements consentis », explique Jean-Pierre Caillot, le président du club de Reims et président du collège Ligue 1, dans un communiqué co-signé avec Jean-Pierre Rivière, président de l'OGC Nice et vice-président du collège ainsi qu'avec Laurent Nicollin, président de Montpellier et de Foot Unis, le syndicat des clubs professionnels.
« Je suis un président inquiet pour l’état financier du foot français. 500 millions d’euros valorisés, c’est in fine environ 9 millions d’euros pour le RCL. Jamais les clubs de L1 n’ont touché aussi peu au titre des droits TV », a pour sa part réagi le président du RC Lens Joseph Oughourlian lundi sur son compte Linkedin. « Comment peut-on penser qu’une inflation du coût d’abonnement avec un accès à des catalogues moins généralistes pourra soutenir une croissance des téléspectateurs du football français ? », s’est-il aussi interrogé.