Étiquetée « Radio bistrot » à ses débuts, pionnière des débats musclés aujourd’hui omniprésents, l’émission de RMC « Les Grandes Gueules » fête ses 20 ans et parle toujours à « la France qui travaille », tout en se défendant d’être populiste.
« On a commencé sous Chirac, Michel Barnier était au gouvernement, et il est encore là, comme Premier ministre », s’amuse Alain Marschall, 61 ans, qui coprésente le programme depuis l’origine avec Olivier Truchot, 56 ans. D’abord uniquement programmées à la radio, « Les Grandes Gueules » (souvent abrégées en « Les GG ») le sont aussi à la télé depuis 2016, sur RMC Story. Cette chaîne et RMC codiffuseront jeudi 17 octobre une soirée spéciale sur les 20 ans de l’émission.
Son principe n’a pas changé depuis le premier numéro, le 30 août 2004 : des intervenants récurrents débattent de sujets d’actualité, entre eux et avec des auditeurs au téléphone. « L’idée, c’était de mettre autour d’une table des gens issus de la société civile, dont ce n’est pas le métier », se souvient Olivier Truchot dans un entretien avec l’AFP. « Il fallait des tchatcheurs, qui parlent de sujets de société comme à un repas de famille », renchérit Alain Marschall.
Gilets jaunes
Parmi les premières grandes gueules figuraient l’homme d’affaires Jacques Maillot et le cuisinier André Daguin. Aujourd’hui, l’équipe comprend la « coach de vie » Joëlle Dago-Serry, l’avocat Charles Consigny ou l’agriculteur Didier Giraud. « Ils sont dans la vie comme à l’antenne : si vous allez déjeuner avec eux, ils parleront pareil, ils feront du bruit », sourit Truchot. À la radio, « Les GG » sont écoutées chaque jour par 1,2 million d’auditeurs en moyenne, en direct de 9 heures à midi. « C’est beaucoup la France qui travaille : des artisans en voiture, des commerciaux, des infirmières libérales », énumère Truchot.
Parmi les thèmes récemment abordés : les conséquences du budget 2025 sur les classes moyennes, les arrêts de travail ou la gifle donnée à une enseignante de Tourcoing par une élève voilée. La mécanique et les thèmes de l’émission lui ont valu des critiques. En 2016, le magazine de gauche Les Inrockuptibles voyait en elle un « succès populaire et populiste symptomatique d’un tournant droitier […] de la société française ». « Écouter le peuple, c’est populiste ? Non », se défend Truchot. « On nous appelait "Radio bistrot", certains disaient "Vous faites monter le Rassemblement national". C’est faux : on a écouté la colère des gens, leur frustration, leur mal-être », approuve Marschall.
Selon ses présentateurs, l’émission est un « thermomètre de la société » qui, en 2018, a vu poindre le mouvement de protestation des gilets jaunes : « C’était des sujets qu’on traite tout le temps, la reconnaissance des gens qui ne vivent pas dans les grandes villes et ont du mal à boucler les fins de mois ».
En attendant Macron ?
Novateur il y a 20 ans, ce format de débat est aujourd’hui largement répandu. « Notre différence, c’est qu’on ne reste pas dans l’entre-soi », juge Olivier Truchot. Les autres « réunissent des gens qui pensent un peu tous la même chose », poursuit-il en citant « l’émission de Pascal Praud (sur CNews) ou "Quotidien" (sur TMC) ».
Le duo anime en outre l’émission d’actualité « BFM Story » sur BFMTV, chaîne du même groupe. Ironie du sort, c’est ce programme et non « Les GG » qui leur a valu un clash le 8 octobre : l’eurodéputée LFI Rima Hassan a accusé BFMTV d’être favorable à Israël dans sa couverture du conflit contre le Hamas et les présentateurs ont interrompu son direct.
Pour leurs 20 ans, en plus de la soirée de jeudi, les Grandes gueules sortiront un livre le 7 novembre et délocaliseront des émissions en province, pour « récolter les doléances des Français ». Avec une envie : inviter ensuite Emmanuel Macron. « L’idée serait de faire une agora avec nos GG qui lui posent des questions de citoyens », espère Alain Marschall. « Je pense qu’on aurait des petits moments de vérité ».