La dissolution de l’Assemblée nationale et les élections législatives pré-estivales ont accentué l’incertitude qui régnait déjà sur le plan politique et économique, en stoppant notamment un certain nombre de textes attendus, dans un contexte d’accélération de l’IA.

Un marché publicitaire instable

Après des élections incapables de dégager une majorité gouvernementale, s’est ouverte une période d’instabilité politique qui devrait impacter les marchés financiers, mais également le marché publicitaire. Le 11 juillet, dans sa publication semestrielle, le 32e Observatoire de l’e-pub envisageait ainsi « un ralentissement de croissance de la publicité digitale en France au second semestre, pour atterrir aux alentours de 10% en fin d’année, soit environ 10 milliards d'euros », en tenant en compte « à la fois du contexte politique incertain, des projections de PIB revues à la baisse ainsi que de l’effet de saisonnalité du quatrième trimestre ».

Pourtant, dans sa dernière version publiée le 20 juin, soit quelques jours avant le premier tour des législatives, l’étude Magna sur les tendances du marché publicitaire français du groupe IPG Mediabrands révisait ses prévisions 2024 à la hausse : +3,8% pour les médias traditionnels, à 7,1 milliards d'euros, et +15,6% pour les pure players numériques, à 13,7 milliards. Au total, le marché publicitaire français dans son ensemble devait, selon Magna, atteindre le montant historique de 20,9 milliards, soit +11,2% par rapport à 2023.

Quant au Baromètre unifié du marché publicitaire (Bump), il prévoyait un mois auparavant une progression de +4,2% du marché de la communication par rapport à 2023, à 35,5 milliards d’euros en 2024, estimant qu’« après un premier semestre assez dynamique, porté par les préparatifs des Jeux, le marché retrouvera un niveau d’activité plus en accord avec ses tendances d’évolution récentes ». La prochaine parution du Bump, prévue vers la mi-septembre, sera très attendue.

Quel financement pour l'audiovisuel public ?

Le répit n’a été que de courte durée pour l’audiovisuel public. Certes, l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale a signifié l’abandon de la fusion souhaitée par l’ex-gouvernement, et l’absence de majorité Rassemblement national aux élections législatives, le rejet de son projet de privatisation des médias publics. Mais ces événements n’ont en rien réglé le problème de financement auquel restent confrontés France Télévisions, Radio France, l'INA, Arte, France Médias Monde et TV5 Monde. Car le système transitoire mis en place suite à la suppression de la redevance en 2022, qui consiste à leur verser une fraction de la TVA, deviendra caduque fin 2024.

Faute de nouveau projet, l’audiovisuel public pourrait être soumis à un financement annuellement déterminé par le gouvernement. Sauf si les pistes pour pallier ce risque de dépendance aboutissent. Côté Sénat, une proposition de loi déposée le 10 juillet par les parlementaires Cédric Vial, Catherine Morin-Desailly, Roger Karoutchi et Laurent Lafon vise à « pérenniser les modalités de financement de l’audiovisuel public par une fraction du produit de la TVA », donc à rendre définitif le système initialement transitoire. Côté Assemblée nationale, la députée Constance Le Grip souhaite déposer à nouveau la proposition de loi déposée en mai par les députés Quentin Bataillon et Jean-Jacques Gaultier, qui consiste à rétrocéder un montant des recettes de l'État aux différentes sociétés de l'audiovisuel public. Deux solutions qui seront au cœur des débats à la rentrée.

Visibiliser les Jeux paralympiques

Phryge, la mascotte des JO Paris 2024 équipée d’une prothèse bien visible ; des spots publicitaires sous-titrés et dont certains montrent des personnes représentatives de différents handicaps... Pour des Olympiades qui se veulent inclusives, ces quelques exemples vont dans le bon sens. Mais c’est surtout l’exposition des épreuves paralympiques de l’événement qui permettre d’honorer l’engagement pris par l’organisation. Entre les 28 août et 8 septembre prochains, l’audiovisuel public assurera « une couverture hors norme, permettant de ne rien rater des Jeux paralympiques (JP), avec des directs sur les principales chaînes linéaires et un multiflux avec l’intégralité des compétitions sur la plateforme france.tv », détaille Marianne Siproudhis, Dg de France Télévisions Publicité.

Au total, 300 heures de direct seront proposées, soit le triple des éditions précédentes. Mieux que les 105 heures de directs des JP de Rio de 2016 ou que les 95 heures de directs depuis Tokyo de 2021, qui avaient attiré 42% puis 41% des Français. France Télévisions mise sur « un reach d’environ 80% des Français  pour les Jeux paralympiques de Paris 2024 », compte-tenu du dispositif déployé, de l’intérêt du public pour un événement se déroulant en France, d’une période et d’horaires de programmation favorables.

De quoi rassurer « les marques partenaires (qui) ont montré un fort intérêt, se réjouit la dirigeante. La moitié -à savoir Samsung, LVMH, Toyota et Coca-Cola- des huit annonceurs parrains des JO seront également sur les JP sur France TV. Et deux annonceurs partenaires, Accor et Allianz, ont par ailleurs acheté spécifiquement les JP ». Des parrains qui profiteront pour les cérémonies d’ouverture et de clôture d’un billboard commun et pourront diffuser leur film publicitaire dans un écran exceptionnel.

États généraux de l’information : stop ou encore ?

Difficile de présager une suite pour les États généraux de l’information (EGI), lancés par Emmanuel Macron en octobre 2023. Son comité de pilotage présidé par le PDG d’Arte, Bruno Patino, devrait présenter mi-septembre les 17 propositions retenues parmi les 200 émanant des cinq groupes de travail créés pour cette vaste opération. Des propositions « structurantes » qui s’adresseront au législatif, à l’exécutif mais également aux instances européennes et à l’interprofession, et qui s’intégreront dans un rapport de 360 pages reprenant notamment les 300 contributions issues des consultations, rencontres citoyennes, études...

Pourtant, après la disparition de son délégué général Christophe Deloire et la dissolution de l’Assemblée nationale début juin, certains voyaient déjà ces EGI enterrés. Un sentiment renforcé après la décision, le 25 juin dernier, de reporter la restitution des travaux, « en raison du contexte institutionnel ». « Nous risquions d’être invisibilisés ou instrumentalisés, commente Bruno Patino. Étant incapables de déterminer quel serait le contexte politique à venir, nous avons prévu de nous revoir fin août. » Ce rendez-vous servira à trouver le meilleur dispositif possible pour que les 17 propositions puissent ensuite entrer en application. « Les politiques ont montré qu’ils étaient conscients de l’urgence de la situation», souligne le président du comité. Tout en reconnaissant « ne pas savoir comment enclencher l’appropriation des propositions par le législateur ».

L’ultra fast fashion proscrite de la publicité

Rares sont les propositions de loi adoptées à l'unanimité en première lecture, comme le fut le cas en mars 2024 pour le texte de la députée Horizons Anne-Cécile Violland, qui visait à réduire l’impact de la fast fashion, notamment en interdisant à partir du 1er janvier 2025 la publicité pour ses marques ou le recours aux influenceurs. Mais l’unanimité ne garantit pas forcément l’entrée en vigueur, d’autant que « la dissolution est arrivée en pleine discussion avec le Sénat pour inscrire le texte à l’ordre du jour », raconte la députée. Laquelle se montre néanmoins confiante pour la suite car « rien n’a bougé au Sénat. Une adoption de la proposition dans les mêmes termes permettra d’aller directement en commission mixte paritaire et d’aboutir à une loi ».

Autre étape préalable, la définition de la fast fashion, qui se fera par décret. « Nous avions rendez-vous avec le ministère de la Transition écologique, mais cela ne pourra se faire qu’avec le prochain gouvernement », précise l’élu. Si le décret prend en compte le nombre de références commercialisées, la durée de commercialisation, l’agressivité marketing…, il concernera des marques d’ultra fast fashion telle Shein ou Temu, mais pas celles du groupe Inditex (Zara, Bershka, Stradivarius, Oysho…), H&M ou Primark.

Toutes ne seraient d’ailleurs pas forcément impactées car « Zara n’a jamais fait de publicité », explique une porte-parole d’Inditex. Même approche chez Primark France, où « on ne fait que de l’affichage local pour l’ouverture d’un point de vente ». Selon Zaïa Ferhaoui, responsable marketing, data & RP de Kantar, « c’est surtout sur les leviers digitaux que ces acteurs de la fast fashion communiquent le plus et l’interdiction pour ces marques de faire de la publicité n’aura qu’un moindre impact sur les médias traditionnels ». Plus précisément, la fast fashion ne représentait que 0,2% du marché global plurimédia et 3,5% du marché global sur le paid social et le paid search en 2023, selon Kantar.  Mais ces deux marchés sont dominés dans ce secteur par Shein…

CSRD : le compte à rebours est enclenché

Il ne reste que quatre mois aux entreprises avec plus de 500 salariés et 40 millions de chiffre d'affaires, cotées sur le marché européen, pour collecter sur l’exercice en cours toutes les données nécessaires au reporting de durabilité. Car la directive européenne CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), qui s’applique depuis le 1er janvier 2024, contraindra en 2025 ces sociétés à déclarer, selon le principe de double matérialité, d’un côté l’impact des risques sociaux et environnementaux sur leur compte de résultat, et inversement l’impact de leur activité sur l’environnement et le social. Mais les autres catégories d’entreprises n’ont pas de temps à perdre : les sociétés de plus de 250 employés suivront l’an prochain, les PME cotées en 2026… Au total, plus de 50 000 sociétés seront à terme concernées.

Selon une étude réalisée au premier trimestre par le Collège des directeurs du développement durable (C3D) auprès de 90 grands groupes parmi ses membres, « le sujet suscite de l’engouement, se félicite son administrateur, Sébastien Mandron. 57% ont déjà élaboré au moins une première version de leur matrice de matérialité. » Une prise de conscience qu’il explique par « le changement de paradigme », car pour 70% des groupes interrogés, la CSRD va être un accélérateur de transformation dans l'entreprise. D’ailleurs, « il ne s’agit pas de mobiliser des moyens financiers importants, mais surtout des ressources en interne et de maîtriser le sujet ».

Chez TF1 par exemple, « une personne est dédiée à ce sujet en interne et une autre a été recrutée à la finance, précise Mélissa Saint-Fort, la directrice RSE. Et 35 personnes travaillent également sur les indicateurs à identifier ». Le groupe se fait accompagner par des cabinets conseils, la tâche se révélant lourde et chronophage. « C’est mieux d’avoir des experts externes donc neutres pour réaliser la matrice et pour embarquer les équipes, estime Mélissa Saint-Fort. Ainsi, TF1 sera prêt pour 2025, ce n’est pas une option pour nous. »

Droits du foot : période de vache maigre pour les clubs

Depuis la reprise du championnat de Ligue 1 le 16 août dernier, les dirigeants du football professionnel français peuvent se sentir soulagés de voir les matchs retransmis. À la fin de la saison précédente, le 18 mai 2024, ils n’avaient encore aucune certitude de diffusion pour les cinq prochaines années. Mais les contreparties financières obtenues gâchent sans aucun doute leur plaisir.

Les droits de la Ligue 1 ne leur rapporteront que 500 millions d’euros par an jusqu’en 2029, moins que les 624 millions annuels des trois dernières saisons et très loin des 800 millions d’euros, voire du milliard d’euros – avec les droits à l’international – que leur avait vendus le président de la Ligue de football professionnel, Vincent Labrune. « L’appel d’offres de 2024 fait moins bien que celui pour 2005, année où les droits avaient atteint le montant record de 600 millions d’euros, rappelle un responsable des sports dans l’audiovisuel. Ce résultat positionne le football français loin derrière les championnats anglais, espagnol, allemand ou italien. »

Avec moins de revenus audiovisuels pour les clubs, il deviendra plus compliqué d’attirer les stars de la planète foot, et donc de recruter des abonnés. D’autant qu’avec deux opérateurs – DAZN pour huit matches à chaque journée, dont les dix affiches de la saison ; BeIn pour, en alternance, soit la meilleure affiche, soit le deuxième choix –, il faudra débourser autour de 50 euros par mois pour accéder à l’intégralité du championnat.

L'IA générative gagne la vidéo

« Avec la multiplication des innovations, les industries de la publicité, de l'audiovisuel, du cinéma, de l'animation ou encore du jeu vidéo vont devoir se réorganiser pour s’adapter », prédit Emmanuel Vivier, cofondateur du Hub Institute. Des groupes et des agences se sont déjà structurés en conséquence, comme Publicis avec Core AI, ou Fred&Farid avec [AI]magination. « Nous sommes en train de passer de la production d’une image en IA générative à une production complète », observe le dirigeant du Hub, qui forme à l’IA de plus en plus d’équipes, qu’elles soient dans la production, l’édition ou la diffusion.

Des centaines d’outils existent déjà ou sont en développement, intervenant depuis l’étape de l’écriture et du storyboard (avec Genario, Largic et Opus par exemple) jusqu’au doublage et au sous-titrage (avec Heygen, Lipitt, ou encore Caption), en passant par la création même de vidéos (Sora, Odissey, Luma...), les effets spéciaux (Domo, Videoleap, Immersity…), le montage (Lumen5, Premiere...), la transcription, la musique, le bruitage… Et certains se lancent déjà dans l’intégration verticale, tels LTX Studio, Showrunner, Katalist.AI, pour couvrir toute la chaîne, de l’écriture au montage. « Du petit producteur, qui n’a pas forcément les réseaux mais peut travailler avec 25 outils, au gros producteur, qui s’équipe de technologies spécifiques, qui permettent d’accroître les capacités de production et d’abaisser les coûts, tout le monde a compris l’intérêt de se former pour disrupter avant d’être disrupté », prévient Emmanuel Vivier.

L'IA à la veille d’une nouvelle révolution ?

À l’instar de la fin des cookies tiers chez Google Chrome, la sortie de Chat GPT-5 sera-t-elle maintes fois reportée ? La future version du modèle de langage révolutionnaire d’Open AI, évoquée depuis 18 mois et attendue d’ici la fin de l’année, suscite de l’impatience. Certains y voient une étape décisive, permettant d’atteindre l’intelligence artificielle générale (IAG), synonyme de disruption.

« Cela dépend de la définition de l’IAG, qui diffère selon les acteurs, pointe Olivier Martinez, fondateur de l’agence 255hex.ai. En termes scientifiques, elle est considérée comme l’équivalent d’un être évolué, donc capable de réagir quelles que soient les circonstances, comme l’humain. Or on en est loin. » Pour l’expert, « si on assiste à une accélération dans l’IA depuis sept ans, la technologie ne change pas tellement, c’est surtout de l’optimisation des modèles ».

Pour Benoit Raphaël, fondateur de Flint, « les annonces relèvent beaucoup du marketing. Déjà, l’intégration de l’IA à grande échelle dans les entreprises s’avère compliqué, même si elle génère un gain de productivité ». Se référant à l’étude The State of AI in early 2024 de McKinsey, il note que 65% des entreprises utilisent une IA générative, contre 35% en 2023. Mais 63% ont identifié des cas d’inexactitudes et 23% en ont expérimenté les conséquences. Plus que l’IAG, il serait « préférable de parler d’IA agentive, c’est-à-dire de la possibilité de faire travailler ensemble plusieurs outils ».

Surtout, les deux experts se réfèrent au classement en cinq niveaux établi début juillet par OpenAI pour suivre les progrès de ses systèmes, allant de l'IA conversationnelle actuelle pour le premier stade à une IA capable d'effectuer des tâches organisationnelles, donc équivalente à l’IAG pour le dernier. Selon ses dirigeants, OpenAI en est encore au premier niveau et seulement proche du niveau suivant, composé des machines intelligentes appelées « raisonneurs ». Un niveau deux perçu comme capable de résoudre des problèmes de base au niveau d'une personne titulaire d'un doctorat. Donc loin de l’IAG ?