Cécile Dubois, coprésidente du Spiil et rédactrice en chef de Citoyens.com, revient sur les grandes actualités de la semaine.

La dissolution surprise de l’Assemblée nationale qui a pris de court les journalistes politiques.

Ça a surpris tout le monde. On en parlait avec des députés il y a plusieurs mois. Mais on était passé dans l’avant-JO… Le propre des séismes, c’est que personne ne les voit venir. Pour ce qui est des résultats, les instituts de sondage ne se sont pas plantés : ils avaient bien prévu que le RN ferait le double de la majorité présidentielle. S’agissant de LFI, notre média Citoyens.com étant présent sur le Val de Marne et la Seine-Saint-Denis, on constate que la liste de Manon Aubry fait de très bons scores dans les villes jeunes et populaires, alors que celle de Raphaël Glucksman s’impose dans les villes bourgeoises. Cela questionne sur les possibilités de l’union.

La campagne des élections européennes et l’intervention de l’exécutif dans le débat.

Ça n’a pas fonctionné car cela ne sert à rien de faire davantage la même chose. Ce n’est pas en augmentant la présence de l’exécutif, en martelant un même discours, qu’on réamorce une dynamique. Cela n’a pas été productif et cela a peut-être même crispé une partie de l’électorat. Au Spiil, nous sommes très attentifs à l’évolution de la gouvernance européenne. On attend beaucoup du DSA et du DMA pour rééquilibrer un rapport de force face aux plateformes. Devant la crainte d’un régime illibéral en France, nous avons eu une table ronde intitulée : "Comment préparer la résilience ?". On va continuer de travailler de manière accrue. Le Media Freedom Act est une garantie de la loi sur la presse de 1881 au niveau européen. Malheureusement, l’État français a défendu une exception concernant l’interdiction des logiciels espions.

La presse française qui demande l’ouverture de négociations avec Open AI et les acteurs de l’IA.

On est complètement en phase. L’IA va décupler la captation de la valeur ajoutée en répondant aux recherches sur internet. Le temps est venu de jouer collectif alors que les plateformes cherchent à nous diviser et qu’Open AI a passé des accords avec tel ou tel média [Le Monde, Axel Springer…]. Une première négociation sur les droits voisins avec un organisme de gestion collective, DVP, a abouti avec Google. L’IA, c’est d’abord un manque à gagner pour les éditeurs qui produisent un contenu immédiatement capté.

CNews qui passe en mai devant BFMTV en part d’audience.

C’est lié à la durée et non pas au nombre de téléspectateurs. En tant qu’éditeur, on peut regarder la mécanique mise en place pour retenir l’auditeur le plus longtemps possible. Au-delà, il est important que les télévisions respectent leur cahier des charges et que leurs émissions respectent les règles du débat démocratique. À titre personnel, je pense qu’au vu des amendes qu’elle a reçues, CNews a manqué à ses obligations. Je ne suis pas contre les chaînes d’opinions, il en faut pour tous les goûts, mais à condition qu’elles soient équitables. Ce ne fut pas le cas quand Christophe Deloire a eu le courage d’aller face à Pascal Praud et qu’on lui a coupé la parole en permanence avec un bandeau qui le dénonçait.

La mort de Christophe Deloire, directeur général de RSF et délégué général des Etats généraux de l’information.

Une immense perte pour la profession des journalistes et la liberté d’informer qu’il a défendu partout dans le monde. En parallèle, il a réfléchi aux moyens de restaurer la confiance. On est pour ou contre la Journalism Trust Initiative, qui n’est pas la référence unique face aux plateformes compte tenu du coût de la certification pour les petits éditeurs, mais c’est une performance d’avoir mené à bien ce projet. Dans les EGI, on défend une loi Bichet du numérique et nous avons vu émerger une proposition très intéressante de pluralisme des algorithmes et de dégroupage des réseaux sociaux. Un opérateur pourrait porter un algorithme alternatif pour favoriser le débat et la discussion loin de la polarisation des réseaux sociaux. Un centre national de la presse pourrait aussi contribuer à la production de connaissances pour nous aider à piloter nos médias.

Jean-François Kahn qui s’oppose à la vente de Marianne, qu’il a fondé, à Pierre-Edouard Stérin.

Notre raison d’être au Spiil, c’est de défendre un environnement économique et démocratique qui permette de développer son média sans avoir besoin de s’appuyer sur des milliardaires. Il ne s’agit pas du tout de dénigrer les journaux qui appartiennent à ces milliardaires mais il est très important de disposer d’un tel environnement pour faire vivre des médias qui vivent de la presse, de l’information, et pas d’autre chose. Là, Daniel Kretinsky veut revendre Marianne car il n’est pas complètement en ligne avec la ligne éditoriale. Mais il faut tâcher de prévenir ce genre de situations. Cela ne fait que renforcer notre conviction qu’il faut bien un s’attacher à la défense d’un modèle de média indépendant à la fois économique et, je le redis, démocratique.

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