Le président du conseil de surveillance du groupe Canal+, filiale de Vivendi, a pris provisoirement le poste de PDG du groupe Lagardère après la mise en examen et l'abandon de ses fonctions de son dirigeant, Arnaud Lagardère.
La mise en examen d'Arnaud Lagardère, dans le cadre d'investigations sur le financement de dépenses personnelles par ses sociétés, a eu une conséquence rapide : le groupe Lagardère a annoncé dans un communiqué mardi soir l'intérim de Jean-Christophe Thiery, 56 ans, un proche de Vincent Bolloré, tout en précisant qu'Arnaud Lagardère conteste sa « mise en examen ainsi que la mesure provisoire d'interdiction de gérer prononcées à son encontre ». « Il va former recours et faire appel », assure encore le groupe.
Lagardère a été racheté fin novembre par le géant des médias et de l'édition Vivendi, contrôlé par la famille du milliardaire Vincent Bolloré. Ce groupe, ancien empire aéronautique et médiatique, a été bâti par Jean-Luc Lagardère, le père d'Arnaud. Ce dernier en a hérité à la mort du premier en 2003.
Train de vie
Lagardère possède un réseau très profitable de boutiques dans les gares et aéroports (enseignes Relay, magasins duty free), des salles de spectacle célèbres (Casino de Paris, Folies Bergère...), des médias (Europe 1, le Journal du dimanche...), ou encore le numéro un français de l'édition, Hachette Livres.
Arnaud Lagardère, 63 ans, a été mis en examen lundi à l'issue d'une journée d'interrogatoire par des juges d'instruction financiers.
Il a été entendu dans une information judiciaire ouverte par le parquet national financier (PNF) en avril 2021 sur la base d'une plainte du fonds Amber Capital, d'un signalement de l'Autorité des marchés financiers (AMF), ainsi que d'un signalement du Haut Conseil du commissariat aux comptes (H3C, devenu la Haute autorité de l'audit, H2A), selon une source judiciaire.
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Les faits auraient été commis entre avril 2009 et décembre 2022. Arnaud Lagardère est soupçonné d'avoir « fait financer son train de vie et ses dépenses personnelles en puisant dans les fonds des sociétés Lagardère SAS et Lagardère » (LCM), a détaillé la source judiciaire.
Pendant plusieurs années, ces sociétés « auraient notamment pris en charge des dépenses liées aux immeubles qu'il occupe, ainsi qu'une créance successorale et de nombreuses avances en compte courant », a-t-elle ajouté.
Le groupe a pour sa part assuré mardi que « cette mise en examen porte essentiellement sur des faits concernant des sociétés personnelles lui appartenant intégralement et n'impliquant aucune société du groupe Lagardère ».
Démantèlement
« S'agissant de Lagardère SA, la mise en examen de M. Arnaud Lagardère concerne uniquement des faits datant de 2018 et 2019, qualifiés d'achat de vote, d'abus de pouvoir et de diffusion d'information fausse ou trompeuse, faits qu'il conteste fermement », a affirmé le groupe.
Cet épisode judiciaire est le dernier en date dans un long feuilleton qui a vu l'héritier Lagardère perdre son aura et solder au fil des années le groupe fondé en 1992 par son père Jean-Luc. Cet empire était le fruit de la fusion entre l'avionneur Matra et l'éditeur Hachette.
Dans la décennie suivant la mort de Jean-Luc Lagardère, son fils s'est endetté, a cédé la branche aérospatiale EADS et vendu plusieurs médias. Il a renoncé en 2021 à la commandite par actions, statut créé par son père qui leur a permis à tous les deux successivement de diriger le groupe Lagardère avec moins de 10% du capital, précipitant ainsi le démantèlement de l'empire familial.
Un démantèlement parachevé en novembre par la prise de contrôle de Vivendi. « Nous sommes désormais dans la famille Vivendi. Si je puis me permettre ce mot personnel, nous rentrons dans la famille Bolloré, ce que je trouve encore plus flatteur », s'était félicité Arnaud Lagardère le 25 avril lors de l'assemblée générale annuelle de son groupe.