Le groupe de presse a reçu de Xavier Niel le cadeau d’un transfert de ses parts vers un fonds de dotation. Mais c’est aussi une contrainte.
Une « étape historique ». C’est par ces mots que le groupe Le Monde a fait savoir la cession par Xavier Niel du capital de NJJ Presse, actionnaire du Monde Libre, à un « Fonds », « afin de sanctuariser le capital des groupes de presse dans lequel il détiendra des participations et les protéger de l’influence des tiers ». Cet organisme d’intérêt général à but non lucratif, dont le conseil d’administration est présidé par Alain Frachon, devient ainsi l’actionnaire indirect du groupe (Le Monde, Télérama, Nouvel Obs, Courrier international, La Vie, HuffPost et Le Monde diplomatique). Le rachat se fait pour 1 euro. Xavier Niel conserve une action pour pouvoir réinvestir, mais seulement en cas de besoin.
Avantage de ce fonds de dotation « pour l’indépendance de la presse », créé par le fondateur d’Iliad-Free en 2021 : il sort le groupe de presse de la sphère capitalistique directe de son actionnaire principal. Né d’un conflit lors du rachat sans l’agrément de la rédaction des parts de Matthieu Pigasse par Daniel Kretinsky, en 2018, il a le mérite de clarifier l’actionnariat. Après rachat des actions de Kretinsky par Niel, en septembre, et en anticipant un apport des parts de Madison Cox (héritier de Pierre Bergé) puis de Prisa, le groupe Le Monde verra son capital détenu aux trois quarts par le « Fonds » et pour un quart par un « Pôle d’indépendance » dans lequel on retrouve les sociétés des rédacteurs, des personnels ou des lecteurs.
Cela entraîne aussi une contrainte : Xavier Niel n’est plus désormais tenu de réinvestir dans Le Monde. C’est d’ailleurs pourquoi son patron, Louis Dreyfus, répète à l’envi désormais qu’il doit « s’autofinancer ». « Mon groupe est détenu par une fondation désargentée, mon métier est d’assurer son financement par beau temps et par mauvais temps », a-t-il déclaré le 25 avril lors d’une masterclass de Microsoft sur la démocratie. Les comptes 2023 montrent une stabilisation du résultat d’exploitation, à 9,7 millions d’euros, mais un léger effritement du CA à 304,5 millions d’euros (-1,6 %). D'où son initiative de contacter OpenAI pour signer un partenariat assez lucratif - mais confidentiel – qui permet à ChatGPT de s’entraîner sur les articles du Monde et d’y puiser ses réponses.