Jean-Louis Blot préside depuis trois ans Endemol France, filiale de Banijay spécialisée dans la production de programmes de flux. Tandis que Secret Story revient à la télévision, il évoque pour Stratégies la nouvelle téléréalité mais aussi de nouveaux développements et la transformation du marché.

Quels sont vos premiers retours sur Secret Story, relancé le 23 avril après sept ans d’absence à l’antenne ?

Jean-Louis Blot. À date [le 26 avril], je n’ai pas encore les chiffres de consommation consolidés à J +7. Or Secret Story s’adresse aussi à un public qui ne consomme plus le linéaire. Donc on verra dans quelle mesure cela aura un impact. Quoi qu’il en soit, les voyants sont au vert. Le lancement a réalisé sur les FRDA-50 [femmes responsables des achats de moins de 50 ans] une part d’audience supérieure à celle du précédent kick-off en 2017 [avec 783 000 téléspectateurs soit 20,6 % de part d’audience pour TF1 selon Médiamétrie]. La quotidienne a effectué un bon démarrage et progresse.

Qu’avez-vous gardé et changé par rapport aux précédentes éditions ?

Nous avons gardé l’essence du programme : des candidats dans une maison, avec des secrets, qui jouent pour ne pas être éliminés et gagner 100 000 euros. Nous avons changé le casting, la façon de trouver les candidats, en les choisissant plus authentiques et bienveillants. Avoir une communauté sur les réseaux sociaux n’empêche pas l’authenticité.

Le streaming a pris de l’ampleur en sept ans. Comment le programme s’accorde-t-il aux plateformes ?

Le streaming correspond à la consommation d’aujourd’hui. Faire un million de téléspectateurs en linéaire, ça compte. Sur TF1 +, la consommation est différente : replay, extraits inédits, lives… Les réseaux sociaux constituent une caisse de résonance : Twitter pour le live, Instagram et TikTok pour l’expression des fans. Seules les émissions d’enfermement permettent de fabriquer autant de contenus.

Voilà trois ans que vous avez pris la présidence d’Endemol France. En quoi le groupe est-il différent aujourd’hui par rapport à mars 2021, date de votre arrivée ?

L’équipe dirigeante a changé. Les gens qui m’entourent n’étaient pas là ou pas à ces postes-là. Nous avons doublé le chiffre d’affaires en trois ans : le travail collectif a porté ses fruits. Nous avons retrouvé notre position de leader de producteur de flux en France, grâce à une politique de développement très ambitieuse. Nous avons beaucoup investi, travaillé sur Secret Story, Drag Race, Star Academy avec les diffuseurs. Sans pour autant oublier les émissions déjà à l’antenne. Nous n’en avons perdu aucune en trois ans.

Vous avez, en 2022, lancé Drag Race, dont les places pour la prochaine tournée ont été mises en vente fin avril. Quels débouchés l’événementiel peut-il offrir à votre métier ?

Nous essayons de faire une télévision d’engagement. Drag Race - dont nous venons d’annoncer la saison 3 - est l’une des émissions de France Télévisions les plus commentées sur les réseaux sociaux et l’une des plus regardées sur la plateforme France.tv. La tournée est un succès, avec cette année des Zéniths. C’est un engagement pour le téléspectateur, qui peut aller voir le spectacle. C’est la même chose pour la Star Ac, avec une dimension supplémentaire pour cette émission : le vote des téléspectateurs. Nous avons vendu 400 000 billets pour la tournée. La télévision crée des façons de connecter les programmes, les incarnants des programmes et les téléspectateurs. Alors que la durée d’écoute est en baisse, l’engagement est une façon de combler ce manque. Il vaut mieux 3 millions de téléspectateurs engagés que 4 millions passifs et pas fidèles au programme.

Comment ont évolué, en trois ans, vos relations avec les diffuseurs, alors que la concurrence s’est tendue avec notamment la multiplication des plateformes ?

Nous avons une relation de partenariat avec les diffuseurs. Nous fabriquons les émissions ensemble. Secret Story et Star Academy, ce sont des mois de travail avec les équipes de TF1, LOL : qui rit, sort !, des mois de travail avec Prime Video, Drag Race, des mois de travail avec France Télévisions. Parfois on se plante aussi, mais ensemble.

Quelle part de vos clients les plateformes représentent-elles aujourd’hui et en quoi travailler avec elles diffère-t-il de la collaboration avec les chaînes ?

Amazon est devenu l’un de nos principaux clients en termes de volume. Nous avons fait ensemble trois saisons de Celebrity Hunted et quatre de LOL. Si la qualité du travail et de la relation est similaire, la différence se joue sur les process. La chaîne de validation remonte jusqu’à l’international.

Avec l’inflation, comment ont évolué vos coûts de production ?

Nous n’avons jamais fait des programmes aussi chers et ne les avons jamais vendus aussi peu chers. Mais tout le monde a de moins en moins d’argent. Les chaînes linéaires font face à un marché publicitaire tendu et la durée d’écoute de la télévision est en baisse. L’une des solutions dans ce contexte est de faire du volume. C’est aussi de miser sur certaines technologies, de réduire les coûts, de se diversifier avec des programmes multi-financés par les chaînes linéaires, les plateformes, les réseaux sociaux et différentes formes d’engagement comme les tournées, les produits dérivés ou autre.

Qu’en est-il du recrutement ?

Le milieu n’attire plus les jeunes. Voilà pourquoi nous mettons en place des choses pour leur donner envie de venir travailler avec nous. Nous montrons que les évolutions de carrière sont possibles. Nous sommes engagés d’un point de vue RSE (participation, mise en place du congé menstruel, prise en charge de places en crèche pour les enfants des collaborateurs)…

Quels formats ont le plus retenu votre attention au dernier MipTV [marché international des programmes audiovisuels] en avril ?

Le marché international propose des formats de moins en moins créatifs. En même temps, il existe une nostalgie très forte à l’égard des anciens formats car les gens ont besoin d’être rassurés. Quand le monde va mal, des programmes doudous ça fait du bien. C’est aussi plus simple pour les diffuseurs en termes de marketing car le public connaît déjà les programmes.

Chiffres clés

200 + Nombre d’équivalents temps plein chez Endemol France.

100 millions d’euros Chiffre d’affaires 2023 (autour de).

15 Nombre de productions réalisées par an.

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