Le Conseil d’État aura à se prononcer sur l’évolution éditoriale de CNews accusée par Reporters sans frontières de ne pas respecter ses obligations de pluralisme.
Le Conseil d’État sera-t-il le juge de paix de l’évolution éditoriale de CNews ? Après le refus de l’Arcom de mettre en demeure la chaîne pour non respect de ses obligations en matière d’honnêteté, d’indépendance et de pluralisme de l’information, un rapporteur public, Florian Roussel, a dévoilé le 19 janvier un avis destiné à sa haute juridiction administrative qui aura à se prononcer d’ici à deux semaines et a de grandes chances d’être suivi.
Il estime que le régulateur ne peut se contenter de valider le décompte du temps de parole des personnalités politiques mais qu’il doit aussi s’intéresser aux éditorialistes et intervenants qui font l’antenne de CNews. Un élargissement qui inclurait les journalistes – ce à quoi s’est toujours refusé l’Arcom - et amènerait le régulateur à renforcer son pouvoir de surveillance des antennes sans avoir à subir de plein fouet le procès pour censure qui ne manquerait pas de se tenir à droite.
Le Conseil d’État avait été saisi en novembre 2021 par Reporters sans frontières [RSF] d’un recours pour contester le refus du CSA d’agir devant les manquements de CNews. En cause, l’évolution de la chaîne de l’info vers l’opinion avec des personnalités ou des débatteurs flirtant avec l’extrême droite – terme qu’elle récuse. Or la convention de CNews signée avec le CSA stipule bien que l’éditeur de la chaîne « assure le pluralisme des courants de pensée et d’opinion » et qu’il doit veiller à « respecter les différentes sensibilités politiques, culturelles et religieuses du public ». C’est sur ces deux points que la chaîne sera jugée alors que le rapporteur ne donne pas suite aux griefs sur l’honnêteté et l’indépendance de l’information. Selon la loi de 1986, une fréquence hertzienne est en effet un bien public attribué en échange du strict respect de ses obligations, en particulier déontologiques.
Le 22 janvier, le président de l’Arcom, Roch-Olivier Maistre, a prévenu que son institution n’avait pas vocation à être une « police de la pensée » mais qu’elle resterait vigilante sur le respect des obligations alors qu’elle lance dès le mois prochain ses appels à candidatures en vue de la reconduction ou non de 15 chaînes hertziennes en 2025. « La confiance n’exclut pas le contrôle », a-t-il ajouté sans attribuer la citation à Lénine.
Pour Nathalie Sonnac, professeure à Panthéon-Assas et ancienne du CSA, « il faut s’entendre sur les termes du contrat » : si CNews est reconnue comme étant une chaîne d’opinion ainsi que beaucoup d’éléments tendancieux incitent à le penser, le législateur devra intervenir pour lui permettre dans sa convention d’assumer ce rôle, sinon elle ne pourra pas être reconduite.
C’est ce qui fait dire à Arnaud Mercier, également professeur à Panthéon-Assas, que « ce sera toujours une décision politique » car « l’Arcom mesurera la responsabilité qu’elle prendra si elle enlève sa fréquence à CNews : « On criera à la censure et c’est ce qui fera que son bras tremblera. Ce genre de décision amène à raisonner non pas par rapport au droit mais par rapport à la préservation de la légitimité de l’institution ». Pour lui, tout se jouera donc sur le statut de chaîne d’information ou d’opinion au moment du renouvellement de l’autorisation.