Au-delà d’une chaîne de télévision, Arte est aussi, depuis tout juste dix ans, un éditeur de jeux vidéo, même s’il est plus discret dans ce domaine…
Rock Bailey se fait kidnapper à la sortie d’un club de jazz. Que lui est-il arrivé ? C’est l’enquête qu’Arte propose de mener dans le jeu vidéo To Hell with the Ugly, sorti en mai, inspiré d’un roman de Boris Vian. Au-delà de la référence culte, un univers créatif - en l’occurrence, le Los Angeles branché des années 1950 - et un jeu où « le gameplay [la façon de jouer] […] s’attache, tout en dépliant un récit rythmé, à fournir une expérience de jeu agréable », complète un communiqué sur le sujet. C’est à l’image de ce qu’Arte souhaite réaliser dans ce domaine, où il a fait ses premiers pas il y a dix ans. En une décennie, il a coproduit dix-sept jeux, en a édité douze et huit sont en production. Cinq millions d’unités ont été téléchargées et plus de la moitié des ventes (55 %) sont réalisées hors d’Europe. Si l’industrie du jeu vidéo pèse lourd (184 milliards de dollars de revenus générés dans le monde en 2023, selon le cabinet spécialisé Newzoo), « le jeu vidéo touche aussi au champ de la création et au domaine de la culture, dépeint Marianne Lévy-Leblond, directrice des créations numériques d’Arte France. À ce titre, il y avait quelque chose d’assez naturel à ce qu’Arte s’y intéresse. Et c’est un public que la chaîne souhaite atteindre ».
Loin des jeux mainstream, Arte s’est invité dans le champ des « jeux d’auteur ». Les projets qu’il retient, parmi tous ceux reçus, 300 cette année par exemple, ont une patte commune : créativité, capacité à surprendre dans le ton, le thème ou encore le gameplay, défense de thèmes tels que l’environnement, la diversité. « Nous souhaitons produire des jeux mémorables et accessibles, pour tous les publics », complète Adrien Larouzée, responsable du pilotage des projets numériques. Si en 2013, Arte avait débuté dans la coproduction de jeux, il a ensuite pris la casquette supplémentaire d’éditeur, ce qui l’a obligé à diversifier ses expertises, par exemple sur la distribution. L’équipe développe trois projets par an. Parmi ceux prévus pour 2024-2025 figurent Les Merlies, mettant en scène un peuple d’oiseaux, 30 Birds, inspiré de la mythologie persane, et Gloomy Eyes, adapté d’une expérience de réalité virtuelle déjà existante - un cas unique.
Présence sur Twitch
Arte reconnaît ne pas avoir d’obligation de rentabilité ou, tout au moins, que l’enjeu commercial n’est pas son premier critère. Ses jeux, payants, ne contiennent pas de publicité et une partie (préquel, spin-off…) est proposée en gratuit. « L’industrie audiovisuelle se préfinance, le jeu vidéo se rapproche du cinéma : c’est dans son exploitation que se trouve une bonne partie de son économie », indique Marianne Lévy-Leblond. Pas d’équipe distincte, structurée sur le sujet : les personnes impliquées sont les mêmes que sur les autres créations destinées aux plateformes numériques d’Arte, les projets en réalité augmentée et virtuelle notamment. « Un jeu fait intervenir une dizaine de personnes », précise toutefois la directrice. Même chose côté communication. C’est l’interne qui s’en occupe, largement portée quand, par exemple, Squeezie, en 2017, testait un jeu maison intitulé Enterre-moi mon amour, une aubaine pour la visibilité. En parallèle, Arte produit le magazine Jour de play sur Twitch. Les jeux sont aussi présentés lors d’événements ou de remises de prix.