SUPPLÉMENT RÉGIONS

Très présente hors des grandes métropoles, cette partie de la presse touche des audiences vastes et qualifiées. Cependant, l’attachement de ses lecteurs au papier, sa capacité d’investissement limitée et la difficulté à recruter ralentissent sa transformation digitale.

La presse hebdomadaire régionale (PHR) aligne de beaux chiffres : plus de 250 titres, 1,6 million d’exemplaires vendus chaque semaine, qui touchent un public de 6 millions de lecteurs, auxquels il faut ajouter l’audience digitale. Un vecteur de choix pour les annonceurs, estime Antoine Rivalain, directeur d’Espace PHR, la régie nationale et extra-locale revendiquant 297 titres : « D’après les études d’audience de l’ACPM, la population que touche la PHR est plus jeune et plus active que celle de la PQR. Les titres de la PQR sont très présents sur les métropoles régionales, tandis que la PHR est davantage implantée dans les villes de moins de 100 000 habitants. » Elle a aussi un impact particulier, ajoute Marc Espinasse, directeur du développement d’Espace PHR : « Trois millions de nos lecteurs sont des lecteurs exclusifs, car 58 % d’entre eux ne lisent pas la PQR. La PHR rayonne dans des agglomérations de moins de 50 000 habitants où même l’affichage de type Abribus n’est pas souvent présent. »

Si les atouts ne manquent pas, les défis non plus. L’attachement des lecteurs au print freine le passage au numérique, rappelle Vincent David, président du Syndicat de la presse hebdomadaire régionale (SPHR) : « Nous sommes très en dessous des chiffres de la PQN qui affiche plus de la moitié d’abonnés numériques. La PQR est aux alentours de 20 à 25 % et nous entre 2 et 5 % selon les titres. Ce qui est un peu inquiétant, c’est que nos ventes baissent effectivement en moyenne de 3 à 5 % par an, mais que le nombre d’abonnés numériques ne progresse pas en parallèle. Le transfert ne se fait pas. »

Une baisse des ventes qu’accélère la réduction du nombre de points de vente. La trop grande distance à parcourir pour se procurer un exemplaire incite certains lecteurs à cesser d’acheter le journal sans pour autant les faire basculer sur la version numérique. « Nous sommes dans un entre-deux et nous ne savons pas quand le marché va basculer, résume Vincent David. Les annonceurs en ont-ils conclu que l’attention d’un lecteur digital était moindre que celle d’un lecteur papier qui s’investit plus parce qu’il a fait l’effort de se déplacer et d’acheter un exemplaire ? En tout cas, ils privilégient encore le papier. »

Jean-Pierre de Kerraoul, président de Sogemedia, se veut toutefois optimiste : « Dans deux ou trois ans, j’espère qu’on aura gagné des lecteurs sur le digital qui généreront des revenus plus significatifs en abonnements et en publicité, grâce à la croissance des audiences et à leur pertinence pour les annonceurs. »

Pour être positive, cette évolution exigera une autre mutation : « Il faut que nos journalistes et nos services marketing adaptent leurs méthodes d’analyse et de traitement de l’information pour rester pertinents avec la vie des gens. Le rôle d’un hebdo local, c’est de les aider à mieux vivre ensemble. Pour cela, nous avons besoin de journalistes professionnels prêts à s’impliquer dans un tel projet. »

Recruter

Et c’est là que surgit une autre difficulté : se doter d’équipes étoffées. La PHR a du mal à recruter, plus particulièrement des journalistes et des commerciaux. Attirer des jeunes professionnels dans des villes de 10 000 à 50 000 habitants se révèle difficile. « Il nous faut montrer pourquoi, pour un jeune journaliste, travailler dans une équipe de dix personnes très impliquées dans leur journal et dans leur territoire fait sens, explique Jean-Pierre de Kerraoul. Apporter sa contribution à un journal qui joue un rôle important pour dynamiser la vie sociale, c’est une activité qui a une valeur professionnelle, sociale et même morale. Et je crois que les jeunes générations sont sensibles à cette dimension, mais cela exige des éditeurs de PME-TPE que nous sommes un management qui valorise ce potentiel d’enrichissement professionnel que permet la PHR. »

Nécessité faisant loi, l’IA va-t-elle se frayer un chemin dans des rédactions parfois clairsemées ? « Il n’est évidemment pas question de remplacer des journalistes par des IA génératives, affirme Vincent David. Mais il est clair que nous utiliserons ces outils pour travailler plus vite et mieux. Nous essayons de bâtir une alternative de confiance que les rédactions puissent utiliser de manière intelligente. Il faut, collectivement, que l’on continue d’être des marchands de vrai. » Et il rappelle ses « constantes » : « Il ne faut pas lâcher sur la qualité éditoriale, que ce soit sur internet ou sur papier. Nous devons proposer une plus-value rédactionnelle réelle et forte. » Le contact avec le lecteur ne se maintiendra qu’à ce prix.

Actu.fr, un géant aux racines locales

Avec 100 millions de visites par mois, Actu.fr figure maintenant parmi les grands pôles de trafic des sites d’information en France. Un succès qui doit beaucoup à un changement de stratégie radical survenu il y a sept ans. Avant cela, chaque titre du groupe Publihebdos (filiale de SIPA Ouest-France) avait son site. « Nous n’arrivions pas à porter nos contenus originaux au-delà du territoire local », se souvient Francis Gaunand, président du directoire et fondateur d’Actu.fr. En 2016, changement de cap avec la création d’une marque ombrelle nationale. Devenu le site de tous les médias du groupe Publihebdos, Actu.fr présente la particularité de faire circuler les informations entre les différentes rédactions. « Nous avons créé des postes de journalistes editing qui sont en lien avec ceux qui, par exemple, poussent les contenus sur les réseaux sociaux, ceux qui organisent la home générale, et les régions, de manière à ce que cette communication se fasse », explique Francis Gaunand. Autre particularité du site : sa capacité à drainer une audience bien géolocalisée sur le territoire de chalandise des commerces et des entreprises locales. « Ce sont des inventaires assez rares qui se vendent donc plutôt bien à l’échelle locale et nationale », précise le fondateur.

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