Nouveau matinalier de Radio Classique depuis la rentrée, cet anxieux survitaminé ajoute une nouvelle corde à sa harpe professionnelle.
Ils sont installés côte à côte sur une banquette en velours carmin, dans le magnifique foyer de l’Opéra Garnier à Paris, à l’écart de la conférence de rentrée des 40 ans de Radio Classique qui s’achève. Complices et silencieux, comme un vieux couple. « Au printemps, j’avais confié à Guillaume [Durand] que j’étais fatigué. Je voulais lever le pied et faire la revue de presse du lundi au jeudi pour partir trois jours par semaine à la campagne et voir plus souvent ma mère qui est en maison de retraite à 85 ans. Quelques semaines plus tard, il m’a soufflé qu’il allait arrêter la matinale et m’a suggéré de lui succéder », nous raconte David Abiker.
Mais celui qui, dans ses fantasmes mégalomanes, rêve de remplacer Bono sur scène et lui rend hommage via ses lunettes, reste encore accroché à son envie de décélération… jusqu’à ce que Pierre Louette, PDG du groupe Les Échos-Le Parisien, auquel appartient Radio Classique, lui propose le poste. « Alors qu’il était encore sur Canal+ et Europe 1, j’appréciais déjà son esprit libre, primesautier et léger. Il correspond tout à fait au côté mousquetaire que réclament nos auditeurs, nous confie-t-il. J’ai toujours eu plus ou moins en tête qu’il pourrait évoluer vers le rôle de matinalier. Et en le voyant faire sa revue de presse pendant quatre ans et écrire toutes ses chevilles et ses liaisons, j’ai vu qu’il travaillait énormément ». Et c’est au restaurant, avec leurs épouses respectives, que David Abiker et Guillaume Durand ont fêté l’annonce de leur passation de pouvoir.
Qu’est-ce qui fait la signature Abiker ? Une assurance, un recul et une décontraction matinée d’humour avec un zeste de poil à gratter. Lui qui s’avoue atteint du syndrome de l’usurpateur réfute l’assurance. Il préfère mettre en avant « la chaleur et la proximité de ton ». « On ne réveille pas les gens en les secouant comme des bouteilles d’Orangina, illustre-t-il. Quand on est chroniqueur, on ne pense qu’à son numéro de claquettes. Lorsque l’on est anchorman [présentateur], on met ses chroniqueurs en valeur. Le loup solitaire devient chien de traîneau ».
Son chien, justement, c’est sa signature. Comme la chemise blanche de Bernard-Henri Lévy. Son meilleur outil marketing diraient ses détracteurs. Son indispensable compagnon, les contredirait-il. Il a même fait éditer une cinquantaine de mugs à l’effigie d'Obiwan, son Cavalier King Charles, coiffé du béret du Che Guevara avec le slogan « Ligue canine des travailleurs ». C’est l’une de ses deux filles qui a créé l’image. Il a offert les mugs à ses confrères pour les remercier d’accepter Obiwan dans les bureaux de la radio. L’animal l’escorte sur toutes ses photos officielles, comme avant lui Charlie, son premier Cavalier King Charles à Europe 1.
Personnage balzacien
« Mon père est mort en trois mois d’un cancer de la vessie. Une semaine après son décès, le 24 décembre 2014, ma femme est revenue de chez le coiffeur avec un regard coupable… et Charlie. C’était un achat impulsif et il a changé notre vie ». On devine que l’arrivant l’a sorti de l’épisode mélancolique dans lequel il plongeait. Neuf ans avant, il avait lui-même dû faire face à un cancer du côlon à 37 ans. La promo de son livre, Le Mur des lamentations : tous victimes et fiers de l’être [Éditions Michalon], un succès, l’a tenu la tête hors de l’eau. Il se reproche d’être trop fragile face à la mort et la maladie comme, du haut de son mètre 90, il s’aimerait avec 10 cm et 20 kg de moins. L’ambivalence et l’autocritique comme un élan vital.
Son parcours ? Ce fils d’un DRH qui a créé et animé pendant vingt ans un rendez-vous musical près de Vannes où il faisait venir des musiciens de conservatoire le raconte comme une série de rencontres avant de préciser : « J’aurais été un très mauvais DRH ». C’était son dernier poste avant qu’il n’embrasse les médias. De GQ à Gulli, il est passé partout. Chronologiquement, il a été élève à Sciences Po Paris, élève officier de réserve et aide de camps du général de l’École d’application de Draguignan, journaliste au Who’s Who, attaché de direction à l’Institut d’études politiques de Paris, conseiller municipal Divers droite, consultant pour les collectivités locales, puis RH à la Monnaie de Paris. Un vrai personnage balzacien. C’est Daniel Schneidermann, alors à Libération et à qui il envoie des tribunes, comme aux Échos, qui le repère. Il creuse son sillon à France 5, à France Inter et Franceinfo, puis sur Europe 1 avec Des Clics et des claques et La Revue de presse. Remercié de la station, Pierre Louette le rencontre. Et le voilà si fier d’être sur Radio Classique, hommage posthume à son père dont l’absence le bouleverse encore. Dandy polymorphe et structurellement sentimental.
Parcours
1989-1995. Science Po Paris puis maîtrise et DEA de sciences politiques.
1993-1997. Responsable pédagogique à Sciences Po.
2002. Responsable des RH à la Monnaie de Paris.
2001-2007. Chroniqueur à Arrêt sur Images sur France 5.
2007-2010. Franceinfo.
2010-2019. Europe 1.
Depuis 2019. Responsable de la revue de presse puis matinalier de Radio Classique.