Les plateformes ont remis leurs rapports sur la désinformation qui tendent à montrer qu’elles en font beaucoup contre les fake news. Mais Bruxelles attend qu’elles fassent plus d’efforts.
Vera Jourova, vice-présidente de la Commission européenne, parle de « guerre dans l’espace de l’information menée contre nous »… en désignant le Kremlin. Le 26 septembre à Bruxelles, pour la remise des rapports des géants du numérique contre la désinformation, elle pointe, avant les élections européennes de 2024, « des acteurs malveillants [qui] essaieront d’utiliser les caractéristiques de conception des plateformes pour les manipuler ».
Le centre de transparence chargé de recueillir les données a d’ores et déjà montré qu’au premier semestre 6,7 millions de faux comptes LinkedIn ont été bloqués, 411 chaînes YouTube ont été fermées, 40 millions de contenus sur Facebook ont reçu un avertissement de vérification des faits et 31 millions d’euros de publicité n’ont pas été versés aux acteurs de la désinformation. Quant à TikTok, dont près de 30 % des utilisateurs annulent leur action de partage devant une étiquette « contenu non vérifié », ses services de fact checking couvrent désormais 17 langues européennes – dont le russe et l’ukrainien – grâce à un nouveau partenariat avec Reuters.
Et pourtant, Vera Jourova appelle à faire davantage. Les élections en Slovaquie, qui ont ramené au pouvoir le pro-Russe Robert Fico le 30 septembre, ont été précédées d’une campagne de désinformation massive, notamment sur Facebook. Mais c’est surtout X (ex-Twitter) qui est dans son collimateur. « Vous devez vous conformer à la loi et nous surveillerons ce que vous faites », a prévenu la commissaire à l’adresse d’Elon Musk. Twitter avait supprimé la moitié de ses postes de modérateurs et, dès mai, quitté le code de bonnes pratiques européen, signé par 44 plateformes. En outre, le retrait de la mention « compte affilié à un État » sur le réseau social a été une aubaine pour les médias russes RT et Sputnik qui ont vu en trois mois doubler le nombre de leurs likes, selon Newsguard. X reste « la plateforme avec le plus grand ratio de mésinformation ou de désinformation », selon Bruxelles. D’après Trustlab, son score de « découvrabilité » de contenus sensibles est de 0,43 sur Twitter, contre 0,31 pour Facebook et 0,08 pour YouTube. Seule réponse envisagée par Elon Musk contre les fake news : rendre payant l’abonnement à son réseau, ce qui limiterait l’influence des bots.
« Contribuer au financement du journalisme »
En France, les États généraux de l’information (EGI), lancés le 3 octobre, amèneront sans doute à faire valoir le rôle des journalistes dans la production d’une information de qualité. Les médias dénoncent les asymétries liées à une responsabilité d’éditeur par rapport à un statut d’hébergeur des plateformes, et rejoignent peu à peu la « Journalism Trust Initiative » (JTI), menée par RSF avec la Word Federation of Advertisers. L’idée ? Flécher les investissements des annonceurs vers des médias fiables, employant des journalistes et vérifiant leurs sources. Les EGI se donnent d’ailleurs pour deux premières « priorités » de « s’assurer que les plateformes mettent en place des dispositifs structurels pour la fiabilité de l’information, et d'« obtenir que les sociétés technologiques et les annonceurs contribuent efficacement au financement du journalisme ».
« Les Français s’informent davantage sur le digital qu’en regardant la télé depuis 2022 », a rappelé le 30 août le patron de l’info de TF1, Thierry Thuillier, en s'inquiétant de la « montée en puissance des fake news ». Son groupe vient de demander, après France Télévisions, la certification JTI qui vise à lutter contre le « chaos informationnel ». Quant à France Médias Monde (RFI, France 24, Monte-Carlo Doualiya), il vient d'être certifié avec le score maximal de 100% sur l’ensemble de l’évaluation JTI.