Le procès historique des États-Unis contre Google, accusé d’avoir abusé de la position dominante de son célèbre moteur de recherche, s’est ouvert le 12 septembre devant un tribunal fédéral de Washington.
Ce procès marathon, qui doit durer dix semaines, est un test crucial pour le gouvernement de Joe Biden, qui s’est érigé en champion du droit de la concurrence, mais peine à convaincre les tribunaux. « Ce dossier porte sur l’avenir d’internet, et sur la question de savoir si Google aura jamais, face à lui, de concurrence significative dans la recherche », a dit, en ouverture, le représentant du ministère public, Kenneth Dintzer.
D’après le gouvernement américain, Google a bâti son empire grâce à des contrats illégaux avec des entreprises telles que Mozilla ou encore Samsung et Apple pour que son outil soit installé par défaut sur leurs smartphones et services.
Cette domination d’internet et donc de la publicité numérique a permis à Alphabet, la maison mère de Google de devenir l’une des entreprises les plus riches du monde.
Les éléments présentés par le gouvernement américain « montreront que Google a trompé l’opinion » et qu’il « a caché des documents qu’il savait en violation de la loi antitrust », a affirmé Kenneth Dintzer. Selon lui, Google verse quelque dix milliards de dollars chaque année à Apple et d’autres équipementiers et navigateurs pour s’assurer que son moteur de recherche s’affiche par défaut.
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Le représentant de l’accusation a montré au tribunal une présentation réalisée en 2007 par un ingénieur de Google et dans laquelle il vante les contrats garantissant l’installation du moteur de recherche par défaut, présentés comme « une arme stratégique puissante ».
Avec de nombreux témoins à l’appui, l’entreprise californienne va tenter de persuader le juge fédéral Amit Mehta que les accusations du ministère de la Justice sont infondées.
« Google innove depuis des décennies et améliore son moteur de recherche », a martelé, à l’audience, John Schmidtlein, avocat de Google. Le gouvernement américain « ignore cette vérité incontournable. »
« Les gens n’utilisent pas Google parce qu’ils n’ont pas le choix mais parce qu’ils le veulent. Il est facile de changer de moteur de recherche par défaut, on n’est plus à l’époque des modems et des CD-ROM », avait affirmé, avant le début du procès, Kent Walker, directeur juridique d’Alphabet.
« Coqueluche de la Silicon Valley »
C’est le plus important procès intenté au nom du droit de la concurrence contre une grande entreprise technologique depuis que la même autorité s’est attaquée à Microsoft à propos de la domination du système d’exploitation Windows.
Lancées en 1998, les poursuites de Washington contre Microsoft se sont terminées par un accord en 2001, après qu’une cour d’appel a annulé une décision ordonnant la scission de l’entreprise.
À l’époque, Google était « la coqueluche de la Silicon Valley en tant que start-up pugnace qui proposait un moyen novateur de faire des recherches sur l’internet naissant », a déclaré le ministère dans sa plainte. « Ce Google a disparu depuis longtemps ».
Des dizaines d’États américains, le Colorado en tête, se sont également joints à la bataille. Même si le juge a rejeté certains de leurs arguments avant le procès - ils accusaient notamment Google d’avoir illégalement déclassé des sites tels que Yelp et Expedia.
Le moteur de recherche représente 90 % de ce marché aux États-Unis et dans le monde entier, notamment grâce aux recherches sur les smartphones, essentiellement des iPhone (Apple) et des téléphones opérés par Android (Google).
L’activité de Google Search, soit les revenus tirés du référencement et de la publicité adossée aux résultats de recherche, pesait 42,6 milliards de dollars en 2022, soit 56 % du chiffre d’affaires d’Alphabet. Ses rivaux, comme Bing (Microsoft) et DuckDuckGo, n’ont jamais réussi à gagner beaucoup de terrain.
Appel
Google risque gros. Si dans quelques mois Amit Mehta tranche en faveur des États-Unis, le groupe risque d’être forcé de se séparer de certaines activités pour changer ses méthodes ou de renoncer à passer des contrats d’installation par défaut.
En Europe, il a déjà été condamné à des amendes de plus de 8,2 milliards d’euros pour diverses infractions au droit de la concurrence, bien que certaines de ces décisions fassent l’objet d’un appel.
L’enjeu est aussi de taille pour le gouvernement de Joe Biden. Les poursuites ont été lancées en 2020 par l’administration de Donald Trump, mais le président démocrate a mis un point d’honneur à défier les géants de la tech, sans beaucoup d’effet jusqu’à présent.
En juillet, l’autorité américaine de la concurrence, la FTC, a suspendu sa procédure pour bloquer l’acquisition de l’éditeur de jeux vidéo Activision Blizzard par Microsoft, après une série de revers judiciaires.
Le ministère de la Justice a également déposé en janvier une autre plainte contre Google au sujet de son activité publicitaire. Le procès pourrait avoir lieu l’année prochaine.