Le continent africain est lui aussi touché par les fake news, particulièrement en période électorale. A l'occasion du Forum Médias et Développement, organisé mi-juillet par CFI à Paris, trois dispositifs de vérification de l’information ont été présentés.

Africa Check

Depuis 2012, avec le soutien de la fondation AFP, Africa Check, une association à but non lucratif, réalise des travaux de fact-checking en ligne à destination des médias africains. Africa Check dispose de bureaux à Johannesburg, à Dakar et à Londres, et se structure comme une rédaction à taille humaine, composée de journalistes et pigistes locaux, indépendants d’un point de vue éditorial. Pour vérifier des informations en ligne ciblant d’autres pays du continent, le bureau francophone d’Africa Check basé à Dakar a récemment noué un partenariat avec Meta. « En Afrique, le grand public n’a pas cette culture du fact-checking, mais en créant des espaces médiatiques comme Africa Check, notamment en période électorale, cela permet de rendre plus matures les locaux », insiste Valdez Onanina, journaliste et rédacteur en chef de la version francophone d’Africa Check, lors d'une table ronde consacrée au fact-checking des élections, qui s'est tenue lors du CFI Forum Médias et Développement, organisé du 11 au 13 juillet à Paris.

La rédaction se focalise sur deux méthodes de fact-checking : la vérification des photos et vidéos en ligne ainsi que la vérification et la recontextualisation des informations et données chiffrées relayées lors des discours et entretiens politiques. Dans le cadre de l’élection présidentielle au Nigeria en février et mars, Africa Check avait par exemple vérifié une fausse vidéo virale d’Elon Musk, qui soutenait le candidat du Parti travailliste, Peter Obi. La vidéo datait d’août 2022 et avait circulait dans des boucles WhatsApp. « En période électorale, notre rédaction envoie une lettre ouverte aux services communication des partis politiques pour les mettre en garde. Et au fil des années, nous pouvons constater que notre travail de fact-checking dissuade certains partisans », indique Valdez Onanina. Pour couvrir l’élection présidentielle au Sénégal en février 2024, le bureau francophone d’Africa Check s’appuiera sur des journalistes indépendants, en plus de son équipe composée de cinq journalistes locaux et de deux pigistes permanents.

FactoScope

Lancé en 2017 en français par l’école de journalisme de Tours (EPJT), en partenariat avec CFI et Nothing2Hide, ce site d’agrégation en accès libre recense des travaux de fact-checking sur diverses thématiques dont l’éducation, la santé et la géopolitique. Depuis début juillet, le portail intègre désormais des articles de vérifications produits par huit médias africains faisant du fact-cehcking, dont Data Cameroon (Cameroun). « Nous avons pensé les thématiques à partir de notre expérience de journaliste sur le terrain en Afrique. La rubrique majoritaire n’est pas la politique, car il s’agit d’un sujet sensible sur le continent au point que les journalistes peuvent être menacés. C’est pour cela d’ailleurs que nous rééditons l’intégralité des papiers sur notre portail et intégrons leur URL. Si les sites web des médias concernés disparaissent, les articles restent ainsi agrégés sur notre portail », explique Laurent Bigot, directeur de l’École publique de journalisme de Tours (EPJT), à l’origine de FactoScope. Les articles agrégés doivent respecter le code de bonne conduite du réseau international IFCN (International Fact-Checking Network), qui fixe notamment des critères de transparence, d’impartialité et d’éthique.

Africtivistes

Depuis 2013, 400 professionnels africains (journalistes, photographes, vidéastes, juristes et documentalistes) du milieu des médias se sont regroupés pour créer une communauté baptisée Africtivistes. L’objectif ? Mettre à la disposition du grand public des travaux de vérification. « En Afrique, nous pouvons distinguer deux types de fake news. Les fausses informations institutionnelles, délivrées par les gouvernements ou les agences d’État, et les fausses informations de l’ordre de l’opinion publique, qui sont formatées sur les réseaux sociaux. Ce qui est certain, c’est que les fake news institutionnelles sont les plus complexes à vérifier », témoigne Cheikh Fall, président d’Africtivistes, qui est basé au Sénégal. « Par exemple, en juin dernier, le ministre des Affaires étrangères du Sénégal a publié un livre blanc présentant sa version des violences qui ont ravagé le pays. Le principal parti de l’opposition sénégalaise a quant à lui publié un mémorandum pour livrer sa version des faits », poursuit Cheikh Fall. Pour diffuser ses informations en toute sécurité, Africtivistes crée des messageries chiffrées et des radios pirates, comme ça a été le cas lors de l’élection présidientielle en Gambie en 2016.

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