Des journalistes porteurs du trouble du spectre autistique à une heure de grande écoute, c’est le pari un peu fou qu’a fait France Télévisions avec Les Rencontres du Papotin. Un ovni télévisuel qui lui vaut le Grand Prix Stratégies de l’innovation média.
C’est pendant le confinement qu’est née l’idée des Rencontres du Papotin. Jérôme Lament, producteur qui travaille principalement pour le cinéma et dont l’activité est alors à l’arrêt, a gardé dans un coin de sa tête l’enthousiasme d’Éric Toledano et Olivier Nakache face aux interviews atypiques de ce journal (vraiment) pas comme les autres. Né en 1990, à l’hôpital de jour d’Antony, Le Papotin a en effet la particularité d’avoir une rédaction composée de journalistes non professionnels porteurs du trouble du spectre autistique.
La société de production Quad+TEN et les deux réalisateurs veulent adapter le concept à la télévision. Ils s’associent pour cela à Kiosco.TV. Du côté des journalistes, l’adhésion au projet est immédiate. « Il y a déjà un très fort intérêt pour la télévision chez ces jeunes gens qui ont parfois de grandes difficultés sociales, explique Julien Bancilhon, psychologue et rédacteur en chef du Papotin. Elle fait tellement partie de leur univers qu’il n’y a pas eu de discussion. »
Avant de chercher un diffuseur, l’équipe fait des tests. « On a fait une première émission à vide, qui n’a jamais été diffusée, et on a vu tout ce qui ne marchait pas, raconte Jérôme Lament. On a compris dès les premières minutes d’enregistrement que ce n’était pas là qu’on voulait aller, c’était exactement ce qu’on ne voulait pas : un peu trop artificiel et trop fabriqué. Très vite, on a eu envie d’y retourner et de continuer à tourner sans diffuseur, pour voir si on arrivait à faire ce qui nous plaisait. Et on a réussi. »
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Le résultat est présenté à France Télévisions, qui fait immédiatement part de son enthousiasme. Et propose de diffuser Les Rencontres du Papotin le samedi à 20h30. « Cette annonce a été un peu vertigineuse, se souvient le producteur. C’est un carrefour d’audience énorme, avec une très forte visibilité. » Cette case impose un format de 28 minutes, en lieu et place des 40 minutes imaginées. « C’était une de mes inquiétudes, quand on parlait de 40 minutes, je trouvais que ça faisait un peu trop, précise Julien Bancilhon. Là, c’est vraiment un format qui nous convient, on déplie bien dans ce temps-là, même s’il y a évidemment des personnes qui nous disent que c’est trop court. »
La rédaction du Papotin se réunit chaque semaine. Pour construire une émission, deux séances de travail sont nécessaires, en plus du travail sur la biographie de l’invité effectué en amont. « Mais en réalité, tout le travail que Le Papotin fait à l’année s’exprime dans l’émission, à l’image du texte de Rudy lu par Camille Cottin ou de la chanson d’Arnaud interprétée devant Julien Doré. Ce sont des choses qui ne sont pas préparées spécialement pour l’émission et que celle-ci remet en lumière », détaille Jérôme Lament.
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Pour chaque émission, le tournage prend trois heures, une durée qui permet à la rencontre entre les journalistes et l’invité d’avoir lieu. Et de mettre en image la signature du Papotin : « On peut tout dire au Papotin, mais, surtout, tout peut arriver ! » « C’est justement ça qui nous plaisait en tant que producteurs, d’accompagner quelque chose qui ne sera jamais pareil. Cette rencontre est toujours un moment suspendu, et c’est ce qu’on essaye de capter », poursuit Jérôme Lament.
Le premier numéro, dont l’invité était Gilles Lellouche, a été diffusé en septembre 2022. Suivront Camille Cottin, Julien Doré ou encore Emmanuel Macron. Et le public est au rendez-vous, avec des retours élogieux sur la qualité du programme. « Dès le début, le journal a été créé dans le but de mettre en avant le côté atypique des rédacteurs tout en cherchant à s’adresser à tout le monde, rappelle le rédacteur en chef. Avec l’émission, on respecte complètement le projet de départ. Mais on ne s’attendait pas à ce succès et on a toujours du mal à réaliser que 3 millions de personnes voient chaque numéro. »
Clément Chovin, producteur chez Kiosco.TV
« L’audience se stabilise autour de 3 millions de téléspectateurs et on a maintenant un rendez-vous récurrent. C’est un chiffre qui est assez fou et qu’on doit à France Télévisions et à son audace. Ce qui m’amuse le plus, c’est de me dire que Julien Bancilhon décrit Le Papotin comme une rédaction atypique, et qu’avec ce journal atypique, on a réussi à faire une émission atypique diffusée grâce à France 2 dans une case complètement atypique. Le Papotin nous aura aidés à être atypiques du début jusqu’à la fin. »